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80 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

reposés et que les poursuivants étaient accablés de fatigue, nous pûmes leur échapper sans peine.

Nous rentrâines à Paris, mais notre longue inaction nous pesait et nous avions grand'faim. Aussi n'éprouvâmes-nous aucun scrupule à piller une boulangerie que nous rencontrâmes sur notre chemin...

Telle fut notre conduite. Je ne m'en vante pas, oh 1 non, je ne m'en vante pas. Mais la vérité m'est chère et je lui rends hommage. »

Couvrons la nudité de notre père dévoilé par M. Gsell. Les petits-fils des Parisiens qui se comportèrent si mollement, en I 870, sur la Marne, se trouvèrent sur la même rivière, qua- rante-quatre et quarante-huit ans après. Ils n'étaient ni plus ni moins braves que leurs grands-pères. Ce qu'ils eurent en plus ce n'est pas la vertu propre, c'est le dressage et l'encadre- ment militaires en lesquels M. France voit le mal, et dont est rempli le livre de M. Gaudy. Aucun soldat de 1914 à 1918, racontant la guerre, heureusement ne pourra dire : « Nous prî- mes le parti de nous arrêter, de rompre les rangs... Nous n'eû- mes earde de marcher au canon. » Si tout cela eût été confié à leur libre initiative, ils eussent fait souvent comme M. Bergeret et comme les francs-archers de Bagnolet parmi lesquels il ci porta le képi. Et alors les « matinées de la villa Saïd » eussent consisté en 1914 à voir si les officiers allemands, logés dans les chambres à vitraux que nous peint M. Gsell, avaient bien tout le nécessaire, et si leurs ordonnances respectaient les bouteilles de la cave encore épargnées par la Kommendalur. Mais les soldats n'avaient pas de parti à prendre, et ne votaient pas à mains levées pour savoir s'il fallait marcher au canon. Le militarisme sévissait dans toute son horreur. Quand un commandant avait les reins cassés, on n'était pas débarrassé pour cela de l'en- geance des galonnés, un capitaine prenait le commandement du bataillon, et si les quatre capitaines et tous les ofticiers étaient tués, cela pouvait finir par un sergent, peut-être aussi mal em- bouché que celui qui voyait l'honneur de la mère de M. Roux entaché par l'inhabileté de son fils sur le terrain de manœuvre, mais fort utile pour barrer avec une unité bien groupée le che- min que suivait un ennemi curieux de mettre dans sa soupe les légumes du jardin d'Epicure. Ce qui a failli nous vaincre en 1914, c'est une armée admirablement organisée. Ce qui a vaincu celte armée, ce n'est pas des soldats plus braves que les siens, c'est

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