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LE CARNET DES ÉDITEURS 3

Saint-Evremond : CRITIQUE LITTÉRAIRE, Introduc- tion et notes de Maurice Wilmotte '.

Si Saint-Evremond n'est pas devenu un « classique », il n'en faut accuser que lestraits un peu inquiétants de son originalité. « L'histoire littéraire, écrivait Sainte-Beuve, pour peu qu'elle soit didactique, a le droit et presque le devoir de le négliger».

Saint-Evremond ne réclamerait pas contre cette omission, il en serait flatté : la séduction que son œuvre n'a pas cessé d'exer- cer sur quelques esprits choisis tient aussi hien à son inquié- tude, à son peu de goût pour l'enseignement. C'est que son esprit le tire sans cesse vers le perfectionnement d'une connais- sance, qui est devenue pour lui un besoin d'autant plus vif qu'il n'en fait pas profession ; les intérêts de son cœur, d'autre part, le rendent ingénieux à varier l'expression d'une sensibilité inat- tendue. Il ne lui reste guère de place ni de temps pour simpli- fier les sujets dont il traite. Les hommes le touchent p'us encore que les événements et, plus que les hommes, les indivi- dus. Il répugne à toute explication trop aisée. Est-il question du célèbre désintéressement de Fabricius, Saint-Evremond remarque : « Il se pourrait bien qu'il eût été de ces gens pour qui se passer de peu, c'est se retrancher moins de plaisir que de peines ». Ou, s'il s'agit de la dévotion : « Il y en a que le mal- heur a rendu dévots par un certain attendrissement, par une pitié secrète que l'on a pour soi. Jamais disgrâce ne m'a donné cette espèce d'attendrissement. »

La critique littéraire était demeurée la face méconnue de ce talent souple et varié. C'est que, si les jugements de Saint-Evremond ont eu l'influence que l'on sait — Racine se soumit à eux lorsqu'il composa Andromaque — ■ ces jugements- semblent avoir tenu peu de place dans les préoccupations de leur auteur, qui, lorsqu'il prend la plume, paraît condescendre à quelque besogne étrangère à son humeur comme à son rang. Le choix de vingt-cinq morceaux sur les anciens, sur les auteurs étrangers, sur Corneille, Racine et Molière, témoigne du goût patient, érudit et fin, de M. Maurice Wilmotte.

��I. I vol. de la Collection des Chefs-d'œuvre méconnus, 12 fr. chez Bos- sard, 43, rue Madame.

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