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74^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Si je te chante à rua façon Chacun se détourne et nie moque Mais un jour arrive l'époque Où V oreille entend la chanson.

Guillaume Apollinaire dans Callioramines avait déjà pincé •cette corde-là, renouvelant, avec une grâce modeste et subtile, le petit chantage bien connu : « Mais on a dit ça de Manet... » De combien de milliers de méchants tableaux ne sont-ils pas responsables, les jurés qui refusèrent Corot !

Tel qui jadis nie voulut mordre Voyant ma figure à l'envers. Comprendra soudain que mes vers Furent les serviteurs de Tordre.

Evidemment Tordre est à la mode. Mais ici, M. Jean Coc- teau va, comme on dit, un peu fort. Ce n'est pas lui qui sert l'ordre, c'est l'ordre qui le sert et quand il pastiche Malherbe (le Malherbe des Larmes de Saint-Pierre), il est évidemment plus à l'aise que dans l'avion du Cap de Bonne-Espérance, et déguisé en pilote de la nouveauté.

Sans être tenté pour cela de « mordre » M. Jean Cocteau, je me plains non pas d'avoir vu sa figure « à l'envers », mais de ne l'avoir vue que très rarement, cachée qu'elle était sous des mas- ques où je croyais reconnaître l'un ou l'autre Rostand, M*"^ de Noailles, Apollinaire, Max Jacob, un Homère nègre inventé par Paul Guillaume...

« Sous le bénéfice de ces réserves », comme disent les confé- renciers génois, nous sommes prêts à déclarer que l'uniforme de l'armée de l'Ordre sied parfaitement à M. Cocteau. Qu'il se permette une certaine fantaisie dans la tenue, nul n'y trouve à redire, mais qu'il n'aille pas coudre prématurém.ent sur ses manches les étoiles de général. Nous croirions le voir encore en chef d'orchestre ou en meneur de jazz. Il vaut mieux que cela, et Vocabulaire, son dernier livre, est aussi le meilleur, celui où il a mis le plus de lui-même. Et voici des vers que personne ne lira sans un vif agrément :

Les cheveux gris, quand jeunesse les porte, Font doux les yeux et le teint éclatant ; Je trouve un plaisir de la même sorte A vous voir, beaux oliviers du printemps.

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