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74- LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tromper. On écrit sur le papier des choses qu'on trouve drôles. On est sûr d'être spirituel et piquant et d'amuser ses specta- teurs. Et quand on entend tout cela sur la scène, rien n'est plus drôle du tout ni spirituel, mais long, ennuyeux et fati- gant. J'ai acquis quelque réputation comme critique drama- tique. C'est assez drôle, je le reconnais. Je ne suis pas pressé de la compromettre en me transformant en auteur à insuccès. »

Je ne me doutais pas que la pièce de M. René Benjamin : Les Plaisirs du Hasard, allait si bien me donner raison. André Billy placé loin de moi, je le retrouvais à chaque entr'acte. a Eh ! bien, qu'en dites-vous ? lui disais-je. Vous voyez ce que je vous disais tout à l'heure. M. René Benjamin a cer- tainement cru qu'il écrivait une chose très drôle, débordante d'esprit, neuve, de la plus haute fantaisie. L'effet sur le public ne faisait certainement pas de doute pour lui. 11 a même dû s'amuser beaucoup en écrivant sa pièce. Le résultat ? Un mot drôle de temps en temps, noyé dans des longueurs. Un comique qui ne porte pas, pour être trop forcé. Une fantaisie qui apparaît trop inventée. Un personnage principal qui devrait plaire et qui agace par sa prétention à être un personnage unique. En tout, une pièce qui devrait amuser et qu'on trouve interminable. Et vous ne pouvez pas dire, quand je parle ainsi, que je le fais en critique de parti-pris, en homme difficile. Vous pouvez juger comme moi, et voir que toute la salle pense de même. La pièce de M. René Benjamin est une excellente leçon. Faites du théâtre si vous voulez, mon cher Billy. Moi, je préfère continuer à juger les pièces des autres et à me garder d'en écrire. »

J'aurais pu écrire une chronique beaucoup mieux sur la pièce de M. René Benjamin. Les Plaisirs du Hasard ! C'est un si beau titre ! Ce sont aussi les plus beaux plaisirs. Le hasard lui-même en a décidé autrement. On n'est pas brillant tous les jours.

MAURICE BOISSARD

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