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726 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dantesque : le passage d'un Enfer à un Paradis par un Purga- toire. Enfer = Romantisme. Paradis = Mistral. (Al. Lasscrre a écrit un Misiral en valeurs lumineuses comme il a fait son Romantisme en valeurs sulfureuses.) Le Purgatoire c'est une abjuration d'erreurs, le passage d'un tempérament romantique, maladie que l'enfant du siècle trouve dans sa triste hérédité, à une raison et à une forme classiques, dont la poésie de Mistral apparaît comme la Béatrice ou la Lucie. Les Amants de Venise esquissent certains chants de ce Purgatoire. On en trouverait aussi les rythmes dans les livres de M. Daudet, VHérédo et le Monde des Images.

II est naturel et juste que Mistral occupe pour un Méridional la place de Dante pour un Italien, de Shakespeare pour un Anglais, peut-être de Molière pour un Français du Nord. Il est naturel aussi qu'un très grand poète soit tenu pour une source d'inspiration politique et morale. Sur le modèle du célèbre « Aimer Molière... » de Sainte-Beuve, on écrirait un : « Aimer Mistral... » Et après tout on l'a écrit, et non seulement les politiques méridionaux, mais M. Barrés, ou tout au moins Gal- lant de Saint-Phlin. M. Daudet et M. Carrère ont l'un et l'autre consacré dans leurs livres de beaux et enthousiastes chapitres au poète de Maillane, et les deux ouvrages semblent rédigés sous son signe et son invocation.

Mais le livre de M. Carrère ne s'appelle pas le Bon Maître. Il s'appelle les Mauvais Maîtres. Et le Mistral ou le Génie Equilibré de M. Daudet est encadré entre un Victor Hiioo ou la Léocnde d'un Siècle et un Emile Zola ou le Romantisme de l'égout, qui font de Hugo et de Zola les titulaires de deux loges dans l'Enfer litté- raire, politique et moral. Comme amateur de bonne langue et de style savoureux je ne m'en plains pas. L'invective abondante et imagée de M. Daudet nous rappelle, avec sa santé drue, ses muscles roulants, son contact vivant avec la langue parlée, celle de Barbey d'Aurevilly et de Léon Bloy ; elle a moins de flamme romantique, mais plus de substance et d'observation, et se rap- procherait, à ce point de vue, de celle de Veuillot. Il est curieux que ces quatre maîtres de. l'invective (on pourrait y joindre; à une certaine distance, Drumont) aient tous été des blancs, originels ou convertis, furieux catholiques, mais fort ennemis de la charité chrétienne. Léon Bloy lui rendait hommage à peu

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