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LE CAMARADE INFIDELE 721

elle ne bouge pas, le désespoir efFace en lui le sentiment de sa faiblesse. Il se met à lutter comme avec un égal ; il se pend aux vêtements de Vernois ; il le tient par un bras et, de toute sa force, y enfonce ses ongles. Il ne sait pas ce qui arrive, mais les mains de l'homme sont molles ; sous l'attaque sa masse chancelle et, une seconde après, tous deux se trouvent assis sur l'escalier. Sans lâcher prise, avec de la colère et des larmes, Antoine essaie encore une fois de trouver de l'aide :

— Mais, Maman, ne le laissez pas partir ! Elle balbutie :

— Mon pauvre petit, c'est lui qui veut s'en aller.

— Pourquoi ? Mais pourquoi donc ?

Vernois tâche de se cramponner à quelque débris de sa résolution :

— Ne tremble pas ainsi, mon petit... Je t'aime beaucoup plus que tu ne peux l'imaginer... Il faut croire ce que je te dis. Si je m'en vais, c'est que je ne puis pas faire autrement.

Mais dans le rêve où il se débat, Antoine vient de con- naître l'ivresse extraordinaire de faire ployer des volontés ; il poursuit à mots entrecoupés et impérieux :

— Vous ne pourrez pas vous sauver... D'abord ça ne vous servirait à rien... Nous serons à la gare aussi vite que vous et nous monterons dans votre train...

Ramené contre la poitrine de Vernois, la joue écrasée contre sa chaîne de montre et les boutons de son gilet, il entend les coups sourds du cœur de l'homme et, très loin, la voix faible de Clymène :

— Mon. chéri, laisse-le... Il n'aura pas pitié de toi... Mais cette voix est couverte par une autre, plus forte,

qui murmure près de son oreille, avec une sorte de rire à la fois terrible et rassurant :

— Tu me tiens, mais c'est moi qui refuse maintenant de te lâcher. Je t'emporte avec moi. Tu veux bien, dis ? Ta mère a deux garçons, ça lui suffit. Dis, tu veux bien ?

Passant un bras sous les jambes de l'enfant, il va le sou-

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