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LE CAMARADE INFIDELE 695

— Elle est venue me voir. Vernois répète avec stupeur :

— Elle est venue ?...

— Jeudi dernier.

— A quel propos ?

— Pour me demander si je connaîtrais un laboratoire auquel l'outillage trouvé dans l'atelier de son mari pourrait être utile. Mais ce n'était qu'une entrée en matière.

— Que voulait-elle ?

— Mon petit, je ne m'attendais pas à être si ému. Elle était elle-même très intimidée, mais on voyait qu'elle ne s'en irait pas sans avoir posé doucement, nettement, toutes les questions qu'elle avait préparées. Et moi je me tenais devant elle un peu honteu:x, à cause des idées que j'ai sur les femmes en général, et à cause de celles que j'ai pu me forger à son endroit. Ce qui m'a le plus remué, c'est de voir qu'elle ne posait pas de ces questions qui quê- tent une réponse rassurante, des questions en forme de harpon. Elle hésitait, cherchait ses mots, ne les trouvait pas toujours ; mais la question qu'elle arrivait à formuler avait Qne pointe sans barbelure, celle du vrai désir de con- naître (sur ce point on ne me trompe pas), c'est-à-dire qu'elle n'évitait pas, mais bien s'efforçait de sonder le pire.

— Et sur quoi t'interrogeait-elle ?

— Sur toi, parbleu; et plus précisément sur ta véracité. Le sang monte au visage de Vernois comme si elle était

présente :

— Alors quoi ? murmure-t-il. Si je suis vantard à miOn tour ? Si je manœuvre pour couvrir de pitoyables galan- teries ?

— Elle cherchait à préciser ce que nous appellerions la déclinaison que chez toi les sentiments ou la volonté font subir à la trajectoire d'une idée.

— Tu ne vas pas dire qu'elle parlait ainsi !

— Avec plus de délicatesse évidemment, avec des détours et des biais ingénieux...

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