Page:NRF 18.djvu/686

Cette page n’a pas encore été corrigée

680 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Là encore, l'habileté de Benoît est vaine. Sa seconde grande faiblesse, c'est qu'il écrit mal. Le Sage, Montes- quieu, Mérimée soignaient leur style. Le premier devoir d'un littérateur anti-romantique, qui ne peut se targuer d'offrir au public le jet bouillant de son inspiration, tout chargé de scories, c'est d'avoir un style. Pierre Benoit en manque.

Il écrit sans rougir : « Alors, dans quel but ? — Eh ! mon cher confrère, dans le niêine but que vous... » Il commet jusqu'à des solécismes dans l'emploi du subjonctif passé : « La veille, au cours de la soirée qui s'était prolongée après que le comte d'Antoine se fût retiré, nous étions restés ainsi... » ou dans l'emploi de ne: « Je mentirais bien inutilement en niant que l'impression qu'elle fit sur moi ne fût profonde '. y>

Négligence, dira-t-on. Admettons-le. Mais parler « d'une forêt de... champignons... qui s'entrecho- quaient "" », écrire : « Que cette voix de M. de Magnoac est perforante ^ », ou bien « La portière s'ouvrit. Le marche-pied s'abaissa. — Place Beauvau, aussi vite que possible. — La voiture partit au grand trot-* », ou encore, comme dans V Atlantide : « La nuit tombait à grands pas », c'est n'avoir aucun don de style et c'est se contenter d'un style pis que mauvais, terne et médiocre de roman-feuilleton.

Quant aux chausse-trappes, s'il faut s'expliquer à leur sujet en toute franchise, elles dissimulent mal les fréquents recours de Pierre Benoît à ses cahiers d'expression. Si l'on voulait ici être méchant, en restant vrai, on pourrait dire qu'il s'agit non point à la vérité de plagiat, mais de klepto- manie. Lorsque, parodiant le « J'aime, que dis-je aimer, j'idolâtre Junie », Benoît fait dire par Don Carlos: « J'aime, que dis-je aimer, j'idolâtre Mademoiselle de Mercœur 5 », il peut encore soutenir qu'il s'amuse. Mais lorsqu'il reprend

��1-2. La Chaussée des géants, p. 195, 135, 145, 20. 3-4-5. Pour Don Citrlos, p. 183, 10, 152.

�� �