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PIERRE BENOÎT 677

Mais les combinaisons du genre que chérit Pierre Benoît lui fourniront-elles une matière inépuisable ? Il semble vain de l'espérer. Si on laisse de côté Kœnigsmarck où Benoît n'a pas encore trouvé sa formule définitive, on s'aperçoit sans peine que le Lac Salé est le pendant de VAtlaiilidc et la Chaussée des géants une réplique de Pour Don Carlos. La femme fatale de V Atlantide entre deux hommes devient dans le Lac Salé un homme fatal entre deux femmes. En ce qui concerne la Chaussée des géants et Pour Don Carlos, le paral- lélisme est encore plus frappant : François Gérard est entraîné malgré lui dans le mouvement sinn-fein comme Olivier de Préneste dans le mouvement carliste ; l'Irlandais fanatique Térence, c'est le Mignoac carliste ; le comte d'Antrim est une sorte de Don Carlos irlandais, Allegria et Antiope, les deux héroïnes, sont chacune à sa façon des « leanne d'Arc » d'insurgés, des «cavalières Eisa» au petit pied. L'élément équivoque est dosé avec la même légèreté dans les deux livres : Lucile de Mercœur, fiancée d'"01ivier, nourrissait pour Allegria un sentiment assez trouble ; Reginald, amou- reux d'Antiope, est un fervent d'Oscar Wilde.

Toutefois Pierre Benoît a introduit dans la Chaussée des géants un élément emprunté à l'art du vaudeville qu'il n'avait encore jamais mis en œuvre : la substitution des personnes. Tout l'intérêt de son dernier roman repose sur trois quiproquos : ce n'est pas le professeur au Collège de France, Ferdinand Gérard, celtisant notoire, invité par les Sinn-Feiner à assister au soulèvement de l'Irlande qui répond en réalité à leur invitation, c'est, par le curieux effet du hasard, un de ses homonymes François Gérard, galant cavalier français; en second lieu, la comtesse Antiope d'Antrim n'est pas Antiope, morte deux ans auparavant, c'est sa femme de chambre; enfin le professeur suisse Stanislas Grûtli n'est autre que le policier anglais Walker Joyce.

Ce recours à des procédés vaudevillesques marque le terme d'une évolution déjà sensible dans Pour Don Carlos, qui s'est accentuée dans le Lac Salé et atteint son pa-

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