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é20 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

succès même qu'elle rencontre atteigne des proportions si manifestement absurdes qu'une réaction s'ensuive. De ce point de vue, l'accélération finale, la plus heureuse peut- être, est due à l'extrême popularité dont jouit la poésie pen- dant la guerre. Je ne fais pas seulement allusion à « la poésie de guerre » (bien que celle-ci ait connu une vogue parti- culière), mais à la poésie qui a trait aux sujets les plus innocents, à des sujets bucoliques. Je sais bien que les poètes que j'ai ici en vue objectent parfois à ce qu'on les classe dans un seul et même groupe. C'est un sujet pénible et sur lequel j'espère n'avoir pas à revenir. Mais des écrivains qui possèdent en commun des défauts flagrants, et qui ne se distinguent l'un de l'autre que par de légères nuances de sottise, doivent s'attendre à ce qu'on les critique en bloc. Le premier en date d'entre eux, et aussi le plus en vue, était Rupert Brooke : on trouve dans ses vers un certain goût d'amateur lequel joint à la beauté de l'homme faisaient de lui une figure attrayante. Il semble aussi que, différant en cela de beaucoup de ses admirateurs, Brooke n'ait pas pris son mérite trop au sérieux. M. Drinkwater, lui, est devenu presqu'un personnage trop officiel pour faire encore partie du groupe. (Il m'apparait comme un candidat éventuel au poste de poète lauréat le jour où disparaîtrait Robert Bridges : ce dernier, d'une génération antérieure, d'un mérite très res- pectable, et d'une science exceptionnelle dans le domaine de la technique.) La majorité de ces poètes font montre d'in- térêts locaux à l'excès et d'une culture toute provinciale. Comme chacun d'eux possède une très faible faculté de déve- loppement, il est naturel que les générations littéraires de ces poètes se succèdent avec une grande rapidité, et que les nouveaux venus se dévoilent encore plus inefficaces que leurs prédécesseurs. Signaler individuellement des écrivains dont j'estime qu'ils n'offrent pas le moindre intérêt pour un public étranger serait superflu ; je les mentionne en bloc parce qu'on les rencontre à chaque pas dans les revues anglaises, et aussi parce que je désire rendre bien clair à quel point, du fait de leur existence, s'accuse le caractère de nouveauté de tout ce qui est authentiqucment nouveau. A l'heure actuelle, les forces qui représentent le progrès ne sont pas en nombre

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