Page:NRF 18.djvu/624

Cette page n’a pas encore été corrigée

6l8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

puritains, ni prudents : un scandale public élimina à jamais leur chef ; et, dissous, le groupe perdit toute influence sur la civilisation anglaise. Wilde et son cercle représentaient quelque chose de beaucoup plus important que chacun des membres du groupe pris isolément : ils représentaient un certain type de culture dont les traits essentiels étaient l'ur- banité, l'éducation d'Oxford, la tradition du bien-écrire, le point de vue cosmopolite : ils étaient en contact avec le continent, et certains des membres les plus importants du groupe étaient des Irlandais. Bien entendu, en tant qu'écri- vains, ils avaient des faiblesses qui ne sont que trop visibles aujourd'hui : je me trompe fort si Dorian Grey est autre chose que de la camelote et si le meilleur de Wilde ne se trouve pas dans Intentions. A mes yeux, le plus grand mérite de ces hommes ne réside pas dans leurs écrits, mais plutôt dans une qualité morale qui leur était commune à tous : ils pos- sédaient une curiosité, une audace, une indifférence aux ccm- séquencùs qui s'opposent par un contraste violent à cette partie de la littérature actuelle que je qualifiais de déjà morte.

A la page 65 d'une anthologie récente qui, plus encore qu'elle n'est mauvaise, est dépourvue de toute signification (An Anthology of Modem Verse : Methuen & C°), se trouve un poème d'Ernest Dowson, — un contemporain de Wilde qui a laissé quelques pièces d'une grande beauté. Ce poème n'est pas tin de ses meilleurs : il est plein de- clichés de l'épo- que qui ont leur origine dans Swinburue ; Dowson n'était pas d'ailleurs un poète très intellectuel ; cependant, lors- qu'on le compare aux vers contemporains qui l'entourent dans cette anthologie, c'est précisément par une dignité in- tellectuelle que le poète de Dowson se distingue. Il est im- médiatement suivi par un poème de notre contemporain M- John Drinkwater dont le vide a pour couronnement les deux vers qui le terminent :

/ iurn to sleep, content that Jrom niy sires

1 d'raw the hîooà of Eiigland's miSmost ^ires '.

I . « Je m'endors, satisfait de tenir de mes pères le sang des comtés qui sont au cœur de FAngleterre. » ^

�� �