Page:NRF 18.djvu/592

Cette page n’a pas encore été corrigée

586 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Richelieu : Arsinoé, — Madame de Lamoignon : Madame Per- nelle, — Mesdames de Guénégaud et d'Aiguillon : les dévoles, — Desmarets de Saint-Sorlin : Tartufe, — le comte deGuiche : Acaste, — La Feuillade, Lauzun, Marcillac : les marquis ridi- cules, — Vardes : don Juan, — le duc de Montausier : Alceste. Et encore, au cours de ces trois actes, Gassendi, Cyrano, Cha- pelle, Bernier, Mignard, Perrault, La Rochefoucauld, Made- leine et Armande Béjart, Lagrange et Mademoiselle de Brie, Madame de La Fayette et la servante Laforêt, Leaôtre et Saint- Aignan, Condé et Villarceaux. Certes, c'est là, comme Racheî, un peu du Musée Grévin. C'est là du théâtre un peu gros. Mais c'est aussi du théâtre amusant, et l'amusant a son prix. Le théâ- tre n'a-t-il pas été, à son origine, la mise à la scène de person- nages illustres, qu'on faisait revivre là dans leurs actions les plus mémorables ? Si vous voyiez aussi comme le public, qui pour- tant n'est guère renseigné sur eux, est sensible à tout cet étalage de grands personnages ! Si vous voyiez ce silence, dans la salle, à l'acte des jardins de Versailles, quand un officier, paraissant au haut d'un escalier, après que toute la cour est venue se ran- ger, annonce d'un ton solennel : le roi. Il y a un temps. L'offi- cier descend l'escalier. On sent que quelqu'un vient, va paraître à son tour au haut de l'escalier, le descendre et venir prendre sa place à son tour. Toutes les figures sont tendues dans l'attente. Ce quelqu'un paraît enfin : Louis XIV. On croirait que c'est lui pour de bon, tant il flotte d'admiration et de respect chez les spectateurs. Brave public ! Sa bêtise est éternelle. Un roi ne sera jamais pour lui un homme comme un autre. Il a des tré- sors de soumission et de crédulité infinis. Il faut qu'il se courbe devant quelque chose. Il n'y a plus de roi. On offre aujourd'hui à sa dévotion la superstition la plus malfaisante, qui le trouve toujours docile, aveugle, dupe et victime aussi. Ce que je dis là n'est pas pour le plaindre. Il ne faut plaindre que ceux qui sont contraints. Ceux qui s'offrent d'eux-mêmes au couteau n'ont que ce qu'ils méritent. Pour en revenir à Molière, avec toute sa galerie de personnages, cette pièce eût été une bonne pièce, le public s'y serait amusé tout à fait, et même aurait pu y prendre une leçon d'histoire littéraire. Moi-même je m'y serais amusé comme j'ai fait à Rasbel.

Mais voilà ! Non seulement Molière n'est pas la pièce qu'elle

�� �