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544 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Mais à ce moment un soulagement m'est venu à voir l'attention de M. Chabaneix se fixer sur un des cargos près desquels notre route nous poussait. Un hurlement n'a pas tardé à lui échapper :

« Mais c'est la Meuse, ce haiean-Ui, c'est la Meuse ! Nage, liage, je vais demayider si Fahrechong est à bord.

— Vous connaisse^ quelqu'un sur ce bateau-là ?

— Hè bé, Fabrechorig. C'est là un des deux bateaux d'An- drade, de Bordeaux. Fabrechong, qui le commande, était second sur Vistule, l'année que j'y ai embarqué comme lieutenant. Fous alle:^ voir l'homme que c'est. Nage, nage ! »

Nous accostons le cargo ; je fais connaissance avec la poussière d'arachide ; elle souille la muraille, elle s'amasse dans les anfractuosités des hublots, elle couvre d'une cendre grise les blancheurs du château. Un jeune homme blond, sans col et en casquette sale, nous sourit d'en haut et nous apprend que M. Fabrechon est à terre. Il n'importe ; M. Chabaneix a ses desseins; d'ailleurs sa curiosité est éveil- lée ; il me jette son portefeuille, attrape l'échelle de pilote qu'on déroule à sa rencontre et disparaît comme un singe.

Nous l'attendons, amarrés à. un bout, qui est un cordage, et qui se prononce boute, tout comme canot se prononce canote; nous sommes durement secoués ; le canote tape et racle la noire falaise du vapeur, contre laquelle nos mains tendues à plat servent bien faiblement de défenses. Tout à coup des cris éclatent d'en haut, de l'avant, de l'arrière; je me retourne ; un des deux remorqueurs indigènes vient de doubler l'arrière de la Meuse; il débouche à vmgt mètres de nous, suivi de deux gabares lourdement chargées ; il les mène à accoster précisément là où nous nous tenons ; nous sommes si bas sur l'eau que le timonier ne nous apercevra pas. Mes trois matelots s'affairent à déborder le canote sans casser les avirons contre les tôles de la Meuse. Ils y réussissent au moment où l'étrave du remorqueur va nous atteindre ; encore nous a-t-il fallu saisir un moment favo- rable entre deux levées.

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