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tournée, je ne saurais trouver un meilleur endroit pour y passer ce qui me reste de vacances.

Elle a un petit mouvement de surprise où il est difficile de ne pas voir quelque chose qui ressemble à de la contrariété. Aussitôt d’ailleurs elle s’en aperçoit, rougit, puis prend le parti de la franchise :

— Pardon, dit-elle en souriant ; mais devant un homme qu’on pensait ne plus jamais revoir, on parle avec une sincérité dont on est un peu confuse après coup. C’est comme les dernières volontés qu’on a formulées sur son lit de mort : quand à l’improviste on guérit, on est vexé d’avoir été si solennel…

Il y a trop de bonne grâce dans cette explication pour que, passé quelques secondes, il subsiste entre eux de la gêne ; cependant le fil de la confidence est rompu. Ils font bien quelques efforts pour le renouer, mais sans vigueur, sachant désormais qu’ils ont du loisir.

— Voulez-vous, dit-elle, accepter ce souvenir de lui. J’ai d’autres épreuves. Cette vue vous rappellera un de vos postes d’écoute.

Vernois prend la photographie :

— C’est un abri, explique-t-il, qu’on avait construit en seconde ligne. (Ma foi, je ne sais plus le nom du village.) Il devait nous servir ainsi qu’aux bonnes gens des maisons voisines ; mais je n’ai pas souvenir que nous ayons eu besoin d’y descendre.

— Comme les hommes nous en imposent avec leur précision ! Vous voyez pourtant, dit-elle, que vos souvenirs sont inexacts.

Et elle lui montre, au dos du carton, l’indication tracée par Heuland : « Poste d’écoute de G., pendant une accalmie. »

Il ne peut maîtriser l’agacement que lui cause cette petite vantardise :

— Non, non, il s’est trompé. C’était à côté d’une église à demi démolie. Tenez, il traîne une pierre de taille sur ce talus.