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LE JEUDI DE BAGATELLE 25

nant pour ceux qui croient à la mission divine du peuple grec.

L'abbé. — Je ne suis pas de ceux-là, je l'avoue.

Moi. — Admirez alors la rencontre des deux grandes sagesses qui sont restées la substance de notre vie morale. L'une, en propres termes, nous a proposé comme modèle les enfants ; l'autre a été versée dans des garçons qui, de nos jours, n'auraient pas encore passé leur bachot.

Il y a un signe sur la jeunesse.

L'abbé. — Retenez un peu les rênes, je vous prie. Je crains, voyez-vous, que vous ne travailliez à l'avènement d'un nouveau mal social — Vadohscentisme si vous voulez, ou \q juvémUsiue, concurrent du féminisme et dans le fond opposé à lui, — mal que provoquerait vite une conception du monde où la jeunesse est considérée comme tabou, le fait d'être mineur comme une preuve suffisante que l'on a raison, et l'âme d'un écolier de treize ans comme la plus riche et la plus importante dans la succession des âges : paradoxe qui trouve une complicité secrète dans l'anarchie intellectuelle de notre époque, mais que le bon sens rejette. D'autre part, je sais la formule que vous proposez froide- ment aux prêtres éducateurs : celle de créer de la crise chez les jeunes garçons « de treize à dix-sept ans » qui leur sont confiés ! — Tout cela me paraît réclamer quelque lumière. Mais entendons-nous, pas de fulgurations !

Moi. — Eh bien, soit. Je vous donnerai ce que je puis. Un dieu nous a préparé cette minute. De sentir à côté de nous ces êtres, il me semble que nous ne pourrons penser que justement, ou tout au moins proprement. Je suis sûr que Socrate n'aurait pas eu le désir de la vérité, s'il n'y avait eu autour de lui des âmes qu'il aimait, c'est- à-dire dont la seule existence engendrait en lui ce désir. Comme lui, nous voici au milieu des Jeux, à quelques stades de la cité, sans manquer même d'un nouvel Illissus que nous voyons scintiller derrière ces arbres. Et nous aurons sur lui cet avantage de n'être pas distraits par les

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