Page:NRF 18.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il y a en outre dans Thoreau un côté Kantien et un côté Mévah-Raymond Duncan qui le revêt d’un léger, très léger ridicule à nos yeux et compromettra peut-être sa fortune en France.

Mais attendons Walden.


BENJAMIN CRÉMIEUX

VERLAINE, par Harold Nicolson (Constable).

M. Harold Nicolson vient de faire paraître en anglais un travail important sur Verlaine. Fils d’un grand diplomate britannique fidèle ami de la France, lui-même une des jeunes gloires du Foreign Office et de la Société des Nations, M. Harold Nicolson n’a pas cru impossible, à l’encontre de ce qui se voit trop souvent, de concilier l’intellectualisme et la francophilie ; nous lui en sommes très reconnaissants. Tout en traitant son sujet avec application et modestie, l’auteur laisse percer une personnalité très attachante, une sensibilité intelligente, fine, ironique non sans dandysme, et une connaissance fort approfondie de notre littérature et de nos modes poétiques.

M. Nicolson étudie Verlaine avec beaucoup de patience et une certaine sympathie. Il a réussi à contrôler ses réflexes britanniques devant un personnage d’une aussi incroyable féminité. Il nous explique, ce qui n’est pas inexact, que Verlaine est un peu oublié dans un siècle où la nuance passe un mauvais quart d’heure. Mais voit-il aussi juste en écrivant que Verlaine est un libérateur du vers français ? Nous en doutons. Dix lignes de Rimbaud ont plus fait à cet égard que toute l’œuvre de Lélian. M. Nicolson n’aime pas Sagesse. Pour lui, les Français n’ont pas la veine mystique. La conversion de Verlaine est trop rapide (too burried). Que dire de celle de St Paul, que les Anglais admirent tant ?

Je ne querellerai M. Nicolson que lorsqu’après avoir constaté l’importance de l’élément étranger dans les écoles poétiques françaises de la fin du xixe siècle, il conclut que Verlaine étant des Ardennes, comme d’ailleurs Rimbaud, n’est guère français ; pas plus que René Ghil, belge, G. Kahn, juif, Laforgue né à Montevideo, Corbière et Villiers, bretons et Mallarmé, de Sens ! Savoir à ce point sa géographie, c’est ne plus la savoir. À