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plus doué pour parler au nom de ses héros que pour les peindre du dehors. Dépouillez l’action de la Dernière Auberge des descriptions, des explications, des entr’actes, toutes choses nécessaires dans un roman pour nous donner l’impression pittoresque d’un milieu et le sentiment du temps qui s’écoule, vous aurez une tragédie saisissante, aui pourrait ressembler aux Revenants, mais se déroulant sur un a- ire plan, le plan chrétien-catholique, celui de la responsabilité personnelle et de la faute héréditaire. On souhaite à chaque page ce resserrement. C’est dire que la matière psychologique de l’ouvrage n’est pas — et loin de là — indifférente. A côté d’un héros un peu insuffisant, le lieutenant de Charrière, se dresse au moins une figure vivante, celle de sa tante Mlle Maucombes, vieille fille déçue, aigrie et pourtant bonne. Ni Boylesve, ni Estaunié, aucun de nos romanciers de moeurs provinciales n’a réussi plus complètement un portrait. Comme eux, M. Piéchaud s’avance sur un terrain sûr et, à part une concession un peu facile à la mode déjà passée de la « pitié russe » qu’il sied de ne confondre point avec la charité chrétienne (je songe au personnage de la petite prostituée « la Souris ») il suit la grande tradition balzacienne qui a produit en France tant de beaux fruits. Mais si Balzac pouvait s’abandonnera son génie, M. Piéchaud devra resserrer et régler ses dons.

henri ghéon

UNE HISTOIRE DE DOUZE HEURES, par F. J. Bon Jean (Rieder).

Ce livre répond à une des questions que nous nous sommes le plus souvent posées au cours de la guerre. A quoi pensaient, que pensaient nos prisonniers en Allemagne ? Non pas la masse, pour qui les obligations de la captivité ne différaient peut-être pas beaucoup de celles de la tranchée ou de l’usine, mais les êtres les plus conscients, les hommes libres, l’élite. M. F. J. Bonjean nous en montre une demi-douzaine, dans un camp de Bavière, qui ont su se trouver parmi la foule et qui entre-choquent leurs personnalités, exaspérées par le cafard avec une violence qui confine parfois à la haine. Il y a un peintre, un philosophe, un aristocrate ami des sports, un ingénieur, un soldat