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son courage, son audace et versèrent en lui une soif inextinguible de liberté. Ses recherches l’orientèrent plus tard vers l’étude de Plotin, de saint Augustin, des mystiques médiévaux, de Luther.

Son style extrêmement simple, familier même, dépouillé d’artifices, sans trace de pédantisme et d’une admirable limpidité, le place parmi les meilleurs prosateurs russes. Mais cette simplicité est toute de surface ; sous ce ton familier se cache une pensée étrangement subtile, toujours tendue, qui creuse et fouille profondément. Rien n’est plus clair, ne paraît plus facile qu’un aphorisme, qu’une étude de Schestov pour les esprits ingénus ; rien n’est plus compliqué, plus obscurément attirant pour ceux qui essayent d’y pénétrer plus avant.

Schestov débuta avec Shakespeare et son critique Brandès, puis suivirent avec plusieurs années d’intervalle : Le Bien dans la doctrine de Nietzsche et de Tolstoï, Dostoïevsky et Nietzsche, un premier recueil d’aphorismes : L’apothéose du déracinement, et deux volumes d’essais philosophiques et critiques : Débats et Conclusions et Les Grandes Veilles ; deux autres volumes vont paraître prochainement : Les Mille et une Nuits et De la Racine des choses. L’article sur Dostoïevsky que nous publions ici est la traduction, fortement abrégée (avec l’autorisation de l’auteur), d’une vaste étude de Schestov que publie, à l’occasion du centenaire de Dostoïevsky, la revue russe Les Annales Contemporaines.

BORIS DE SCHLŒZER


I

 
Τίς δ' οἶδεν εἰ τὸ ζῆν μέν ἐστι
κατθανεῖν, τὸ κατθανεῖν δὲ ζῆν.
EURIPIDE


« Qui sait, dit Euripide, il se peut que la vie soit la mort et que la mort soit la vie. »

Platon, dans un de ses dialogues, fait répéter ces paroles par Socrate, le plus sage d’entre les hommes, celui-là même qui créa la théorie des idées générales et considéra