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IIO LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

chanter. Quant à celui de VInquièie Adolescence, il plaisait par des grâces ambiguës de Chérubin chez les Pères, qui faisaient plutôt présager un élégiaque au cœur meurtri qu'un homme d'action. Cependant, nous sommes sur le pont de la Mariqiiita, et l'on nous égrène d'abord des souvenirs de jeunesse pour tuer le temps et nous inspirer confiance. L'auteur excelle en ce genre délicat, sa poésie n'ayant pas encore drapé la robe virile. Ensuite, nous faisons connaissance d'une troupe de saltimban- ques, mais fort incomplètement d'une trapéziste, cette demoi- selle Letchy qui semble appelée à jouer un rôle prépondérant, qui parle du Nirvana comme M. Jules Bois, et qui doit mourir à la fin du roman sans en avoir dit beaucoup plus, ni sans que nous sachions si elle fut ou non la maîtresse de quelqu'un. Quelle étrange histoire !... Par cette queue de poisson, l'on voit du moins que Mi'= ou M'"^ Letchy est une sirène. Enfin, après une traversée où l'on s'étonne un peu trop des choses du ciel et de la mer pour un second voyage au long cours (voir le Maître du Navire), nons nous demandons, dans cette ville de Puerto-Léon, si l'auteur va bientôt se décider à corser l'intrigue et rassembler ses forces. Quand il en prend le parti, le roman est trop avancé, le héros regrette sa province, et moi les feuille- tons d'aventures écrits vers 1850, où, sans paraître davantage se soucier de la littérature descriptive, de la psychologie et de la métaphysique, des écrivains oubliés répandaient à pleines mains les dons véritables des conteurs, procédant par larges tableaux, substituant l'action au récit, et laissant poliment au lecteur le soin facile de déterminer le caractère des personna- ges d'après leurs actes. J'ajoute que ces écrivains avaient pour le moins autant d'imagination que Walter Scott ou Dumas père, et que c'est, hélas ! cette qualité maîtresse qui fait défaut dans la Terre de Chanaan. Ce n'est pas à dire qu'elle manque à Louis Chadourne.

Est-ce donc qu'en essayant de nous exposer les avatars d'un « aventurier malgré lui », jouet virevoltant du Hasard, Louis Chadourne se soit fondu dans son héros : que la timidité, l'es- prit critique, la sensibilité morbide et le désenchantement pré- maturé de celui-ci, l'aient empêché, lui l'auteur, de concevoir et d'amplifier ? Toujours contraint, ou prêt d'abréger pour retourner plus tôt en Périgord, on croit l'entendre soupirer

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