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NOTES 103

en l'occurrence par quelque dépit secret de ce que La Fontaine ne soit pas suffisamment sensible à ces tortures nobles éternelles qui sont pour le poète de la Jeune Parque le prix de sa fidélité aux disciplines classiques.

Martyr docile, innocent condamné Dont la ferveur attise le supplice,

tel nous apparaît M. Paul Valéry. La Fontaine porte plus allègrement ses chaînes. Aussi ces deux captifs ressemblent-ils à ceux de Michel-Ange, que l'auteur d'Adonis a dépeint (dans une lettre à sa femme) :

L'un toutefois de son destin soupire. L'antre paraît un peu moins mutiné. Heureux captifs. . .

Oui, heureux captifs ! et l'on conçoit qu^e M. Paul Valéry ait, malgré tout, préféré son esclavage, quitte à en exagérer un peu les rigueurs, à cette liberté dont il a vu d'autres poètes, ses contemporains, tirer tant de vanité et si peu de bénéfice. Sans doute, dans sa dévotion à la muse régulière, il entre un grain de masochisme. Mais il sait bien et il laisse clairement entendre, avec cette décence noble qui donne tant de prix à sa pensée et à son verbe, qu'il a choisi la meilleure part.

ROGER ALLARD

LE ROMAN

BATOUALA, par René Maran (Albin Michel).

Le Prix Concourt vient d'être attribué à cet ouvrage. Les membres de l'Académie ont eu quelque mal à se départager et seule la voix du Président que les statuts déclarent prépondé- rante, a pu faire pencher la balance en sa faveur. La Cavalière Eisa de notre collaborateur Pierre Mac Orlan et VEpithalanie de Jacques Chardonne lui firent en effet longtemps contrepoids et obtinrent tour à tour chacun cinq voix.

Batouala, nègre congolais, s'éveille dans sa case, s'étire, se lève, se gratte, sort dans le brouillard, rentre, fume sa pipe, déjeune servi par Yassiguindja, qui est l'une de ses neuf épouses, cherche les chiques entre ses doigts de pieds, puis, vers midi, monte sur la colline et invite à coups de tams-tams les popula-

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