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qui réapparaisse ce qui s’était voilé, que ce soit elle qui fasse à nouveau la pose de la première pierre, car c’est elle seule au fond qui la détient. En amour combien plus encore qu’en amitié ne vaut que l’inépuisable parole de Montaigne : « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »

CHARLES DU BOS

LA CAVALIÈRE ELSA, par Pierre Mac Orlan (Nouvelle Revue Française).

La Cavalière Elsa est un roman qui semble avoir été rêvé par l’auteur de la Force, mais que celui-ci eût traité comme une épopée. Fidèle à ses conceptions, Pierre Mac Orlan ne s’est guère appliqué qu’à en faire ressortir l’horreur et le comique macabres. Ne prétend-il pas (V Aventure, nov. 1921) que « l’horreur est un des éléments les plus fameux de l’aventure, et qu’il est difficile d’écrire un livre de ce genre sans y mêler l’humanité par ce qu’elle possède de plus anormal, mais aussi de plus coloré j>. Formule contestable, du moins quant à la précellence de l’horreur. Quoi qu’il en soit, au cours de cette lecture attachante où brillent quelques morceaux de bravoure, l’esprit revient inlassablement à Paul Adam, s’applique à reconstruire les chapitres selon son ample manière, et souffre du disparate entre le sujet et l’exécution.

Qu’il me soit permis de préférer à la Cavalière Eisa la Béie Conquérante. Jusqu’ici le meilleur livre satirique de Pierre Mac Orlan, où palpite la veine de Swift, et qui me parait correspondre plus exactement au tempérament de son auteur, dégagé du para- doxe et de l’artifice. Là, point d’abus du bas-langage : une uni- formité d’expression qui contribue à rendre naturelle la plus extraordinaire fantaisie ; un ton demi-sérieux qui force à la réflexion, et surtout cette unité de vitesse qui convoie le lecteur sans pauses ni cahots et lui donne une constante impression de confiance et de sécurité. L’exemple de Swift avait heureusement guidé l’écri^’ain ; celui de Du Laurens, avec le Compère Mathieu, beau livre délaissé, mais que les nouvelles utopies peuvent rajeunir, aurait dû le guider pour la Cavalière. Cependant, je redoute que la Mandragore d’Ewers, où Dubus Delaforest

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