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740 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

L'esprit de paix est Intelligence d'abord, qui définit Paix et Guerre, Droit et Force » ; mais « il faut à l'esprit de paix quelque chose de plus que l'intelligence et en quelque sorte une lumière par provision, qui est Charité : chercher la liberté de l'autre, la vouloir, l'aimer;..

Après toutes les réserves faites, ce ne sont point là formules vides ; leur affirmation engage ; elle ne va pas sans grandes conséquences dans la vie privée et publique, dans la pensée, le discours et l'action. Bonnes pour tous, elles le sont deux fois pour ceux que leur âge, leur sexe, ou quelque autre cause met- tent dans le cas de n'avoir pas à choisir entre l'honneur et la vie, mais bien, comme on nous le rappelle, « entre leur honneur et la vie des autres ». C'est à eux que la passion sera le moins permise. D'oià je ne puis conclure qu'ils n'auront qu'à se taire, si l'on se demande quels biens méritent d'être défendus. On ne gagnerait rien à tout remettre à la pensée des jeunes gens et en fait, ce n'est pas ainsi que se forme la pensée commune : là, quoi qu'on fasse, toutes les idées comptent ; le silence même est un avis... Si je choisis, dans l'histoire et dans les sciences qui font connaître l'homme, tout ce qui peut renforcer l'attente de conflits futurs, si je refuse ou néglige de comprendre l'étranger, si je relève en ses discours toute oftense et ne consens pas à démêler de ses prétentions excessives quelque vœu compatible avec nos droits, si j'admets l'appel aux armes sans nécessité de salut public, demain le massacre peut être mon œuvre, et j'au- rai sur moi le sang de mes fils. Mais si je me porte garant d'une bonne volonté étrangère en dissimulant à plaisir toutes mar- ques d'intentions hostiles, si j'aide à croire que tout débat entre nations pourra se régler en paroles et qu'il suffit de tenir prêts des arguments, si j'affirme aux autres qu'à céder toujours il ne leur sera rien ôté de ce qui fait pour eux le prix de la vie, l'eiîet de mes conseils peut être qu'une confiante jeunesse s'éveille trop tard, impuissante, sous le coup d'une menace qu'elle ne saurait supporter ; ma façon de vouloir la paix me laisserait alors en partie responsable de la Guerre et de la Défaite^ au sujet de laquelle il faut répéter ce que nous disions plus haut de la Guerre : « qu'on ne peut plus rien contre elle dès qu'on voit par expérience ce que c'est. » La seconde erreur, ou faute, n'est pas moins grave que la première ; si bien qu'à l'une comme à l'autre il faut savoir dire : Non. michel arnauld

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