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nez droit, la bouche ferme, le front large et découvert, car ses cheveux longs et bruns étaient rejetés en arrière et retombaient sur le col d’une redingote bien ajustée. Il portait la moustache et l’impériale ; ses yeux, grands et d’un gris foncé, avaient une expression de bonté assez inattendue chez un homme dont le cou se cravatait de chanvre. Évidemment il ne s’agissait pas d’un vulgaire assassin. Dans sa libéralité, le code militaire pourvoit à la pendaison d’une grande variété de personnes dont les gentlemen ne sont pas exclus.

Leurs préparatifs terminés, les deux soldats s’écartèrent et chacun retira la planche sur laquelle il s’était tenu. Le sergent se tourna vers le capitaine, salua et se plaça derrière l’officier qui, à son tour, s’écarta d’un pas. Ces mouvements laissèrent le condamné et le sergent debout aux extrémités opposées de la même planche qui reposait sur trois des traverses du pont. Le bout sur lequel se tenait le condamné atteignait presque une quatrième traverse. Cette planche avait été maintenue en place par le poids du capitaine ; elle l’était à présent par celui du sergent. Sur un signe du premier, l’autre allait faire un pas de côté, la planche basculerait et l’homme tomberait entre deux traverses. Ces dispositions étaient parlantes, même pour la victime. Son visage n’avait pas été voilé ni ses yeux bandés. Il abaissa un moment son regard vers son « support précaire », puis le laissa errer sur l’eau tourbillonnant sous ses pieds. Un bout de bois qui dansait à la surface attira son attention et ses yeux le suivirent au fil du courant. Comme il allait lentement ! Que cette rivière était paresseuse !

Il ferma les yeux afin de concentrer ses dernières pensées sur sa femme et sur ses enfants. L’eau, muée en or par la magie du soleil matinal, la brume mélancolique traînant sur le rivage, le fort, les soldats, la planche à la dérive, tout cela avait détourné son attention. Mais soudain il éprouva une nouvelle sensation. Frappant à travers le sou-