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UN INCIDENT AU PONT D’OWL-CREEK[1]

I

Ceci se passait dans le nord de l’Alabama. Un homme était debout sur un pont de chemin de fer, les yeux baissés vers l’eau rapide qui coulait à vingt pieds sous lui. Il avait les mains derrière le dos, les poignets liés par une cordelette. Une corde encerclait étroitement son cou. Elle était attachée à une forte poutre transversale au-dessus de sa tête et retombait jusqu’au niveau de ses genoux. Quelques planches jetées sur les traverses soutenant les rails supportaient l’homme et ses exécuteurs — deux soldats de l’armée fédérale[2] dirigés par un sergent qui, dans la vie civile, avait dû être shériff-adjoint[3]. À peu de distance et sur la même plateforme se tenait un officier en grande tenue, armé. C’était un capitaine. Une sentinelle se dressait à chacune des extrémités du pont, l’arme au bras, c’est-à-dire le fusil maintenu verticalement devant l’épaule gauche,

  1. Le mot « creek » aux États-Unis signifie un cours d’eau sans importance géographique, plus large et plus profond qu’un ruisseau, moins considérable qu’une rivière.
  2. L’Armée fédérale, ou Armée du nord, luttait pour le maintien de l’Union Fédérale entre les différents États de la nation américaine, contre l’Armée confédérée ou sudiste.
  3. Aux États-Unis, les shériffs sont les exécuteurs des lois et, comme tels, procèdent aux exécutions capitales. Leurs adjoints font office de valets de bourreau.