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6^6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Cette manie est proprement allemande. Elle tient sans doute à l'ennui ou au dégoût que le troupeau allemand inspire aux hommes singuliers nés dans ce peuple. On les voit tous qui cherchent avec angoisse s'il n'y a pas moyen de donner plus de no'olesse à ces pauvres gens : n'en saurait-on pas décrasser un peu la vulgarité générale ? Ce souci a quelque chose de touchant à la fois et de ridicule : il ne s'ex- prime pas avec simplicité : il prend une forme messianique. Il y entre une certaine hypocrisie d'état, comme si l'homme supérieur, dans le saint empire germanique, avait besoin d'une excuse, et voulût faire part de son avantage à toute cette moutonnaille : il soupire d'avoir une mission. Enfin, ce trait sent l'éternel docteur : le grand homme, là-bas, même poète, il faut qu'il enseigne : il faut qu'il prêche sa vérité, qu'il corrige et qu'il réforme. Tant ils sont sûrs d'avoir un prix unique pour le genre humain ; et tant ils ont peu l'usage de l'excellence qu'ils se supposent. Ennoblir l'espèce : ils en ont fait un rite ; et beaucoup en parlent, comme le pharisien fait oraison : mécaniquement ou pour se mettre en règle. Quelle indiscrétion. On ne la trouverait pas dans un seul moraliste de la France ou de la Grèce, non, pas même le plus féru d'humanité ou le plus austère. On en est agacé, parfois. On a envie de leur répondre, durement : Hé, pensez à vous ; cultivez-vous et ne cultivezy d'abord, que vous-même. EnnobHs-toi, toi ; et tiens-t-en là : c'est déjà une assez grande affaire, et l'œuvre de toute une vie. Que chacun s'ennobHsse, et les autres en seront plus nobles de sur- croît.

Mais cette « sortie » n'empêche pas l'auteur de reprendre, à l'égard de son ancien ennemi, le ton de la sympathie la plus respectueuse et la plus élevée et c'est par un hommage profon- dément émouvant qu'il termine cette première partie de son étude.

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��LE CRAN DU DRAMATURGE

Sous la direction de M. Matei Roussou, une nouvelle revue Choses de théâtre vient de se fonder. Son premier numéro contient d'amusantes et fines réflexions de Tristan Bernard sur le cran du drainaiurcre :

Ce qui me donne, sinon de l'autorité, du moins une certaine com- pétence pour parler du cran chez l'auteur dramatique, c'est que j'en ai souvent manqué moi-même.

Mais que faut-il entendre par cette expression « avoir du cran », quand on l'applique au dramaturge ?

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