588 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
voudrait retenir de l'eau... Et tu viens parler d'endroits où tu n'as seulement pas été !
Benoit, que la colère gagne. — As-tu fini ?
CÉSAiRE. — Quand j'étais couché derrière le talus, avec la tête de Rose-Marie sur mon épaule...
Benoit. — Tu ne l'as jamais eue !
Césaire. — Eh bien, fournis la preuve que tu connais l'endroit ! Quand je m'appuyais aux racines du pin, dans le nid dont je veux parler, et quand entre deux sommes, — car l'amour ça fatigue — j'entr'ouvrais lesyeux...
Benoit. — Assez !
CÉSAIRE. — Fâche-toi !... Quand on entr'ouvre lesyeux, qu'est-ce qu'on aperçoit juste devant soi ?
Benoit. — Le bois, parbleu !
CÉSAIRE. — Le bois ? Quoi du bois ?
Benoit. — Des troncs d'arbres.
CÉSAIRE. — Quels troncs ?
Benoit. — Laisse-moi tranquille. J'avais autre chose à regarder que les arbres.
CÉSAIRE. — Il y avait un grand pin à gauche, un peu tordu, avec une branche qui venait en avant ; par derrière, un plus petit ; à droite, un coudre.
Benoit. — Tu as vu ça de la broussaille où tu étais caché !
CÉSAIRE. — N'essaie pas d'échapper !...
Benoit. — Je le vois aussi bien que toi : le pin, l'autre pin, le coudre.
Césaire. — . Ha ! conteur de bourdes, cette fois je te tiens ! Le coudre était entre les deux pins ! Tu vois bien que tu ne te rappelles pas !... Tu hésites maintenant... Tu ne sais plus s'il était à droite ou à gauche...
Benoit, que commence à gagner l'effroi. — Où en veux-tu venir ?
Césaire. — Tu le verras bien... Nous avons tout le temps.
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