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574 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Lazare, reculant. — Qu'est-ce que vous voulez ?

Césaire. — Là ! là !... On croirait que tu as aperçu le diable ! On comprend que sur votre îlot, à une lieue de la terre chrétienne, une visite ait de quoi vous surprendre.

Lazare. — Qu'est-ce que vous faites ici ?

Césaire. — Jeté regarde souffler dans ta flûte... (^Avec curiosité) Ta musique te plaît donc tellement que tu n'entends plus ce qui se passe autour de toi ? (La:^are, tou- jours méfiant, recule encore d'un pas.) Tu es absorbé comme un enfant qui suce un sucre d'orge. Dis-moi, lorsque tu joues, c'est aux lèvres que tu ressens du plaisir ?

Lazare, complètement déconcerté. — Aux lèvres ... non .... Mais qui êtes-vous ?

Césaire. — Tu ne souffles dans ce petit bout de bois que pour le son que tu en fais sortir ?

Lazare. — Oui, pour le son ...

Césaire. — C'est dans tes oreilles qu'est ta jouissance ?

Lazare. — Pourquoi demandez-vous ça ?

Césaire. — Parbleu ! vous êtes tous les mêmes dès qu'on vous demande d'expliquer.

Lazare. — C'est des choses qu'on sent tout seul.

Césaire. — Et ceux qui ne les sentent pas... qui savent qu'ils ne les sentiront jamais... et qui voudraient comprendre quand même !... On croirait qu'on veut goûter à votre gâteau et qu'il vous en restera moins... Ah ! vous avez du flair, même les plus sots, pour deviner ce dont un homme a envie... ou besoin ... et pour le lui refuser ! Ramasse ta flûte. Apporte !

Lazare, avec un joyeux soulagement. — Je comprends ! C'est toi le surnuméraire. C'est le petit vapeur de la pêche- rie qui t'a déposé en passant. Pas malheureux qu'on nous envoie de l'aide. Le poisson donne en ce moment. Nous n'avons plus le temps de dormir quasiment. N'empêche, pour un pêcheur, tu en as de drôles de façons de te pré- senter. Tu arrives là comme un revenant qui ne dit pas des choses naturelles. (Ramassant sa Jîûte) Mais si tu veux

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