Page:NRF 17.djvu/523

Cette page n’a pas encore été corrigée

EXTRE LA FRANCE ET L ALLEMAGNE 517

que l'indice extérieur de ce revirement. L'attitude qu'on a vis-à- vis du bolchévisme ne compte pour rien. Ce qui importe, c'est qu'il est l'expression d'un changement de direction de l'intelli- gence occidentale. A la suite de Descartes et de Voltaire, de l'af- franchissement de la pensée tant en France qu'en Angleterre, de la Révolution française, toute émancipation intellectuelle, tout renouveau social semblait devoir venir de l'ouest. La France se sentait le porte-flambeau de l'Europe. Quand aujourd'hui elle continue à vouloir jouer ce rôle, elle ne trouve plus chez nous d'auditoire.

Et plus loin :

L'Allemagne a cessé de regarder du côté de la France avec l'intérêt de celui qui attend quelque chose. Pourqu'elle y dirige à nouveau ses yeux, il faudrait qu'une personnalité éclatante y parût, témoignant que les vieilles traditions de la France aussi bien que son intarissable vitalité ont encore de quoi fournir de nouveaux aliments au monde, qu'elle peut donner autre chose que de piquantes variations d'analyse psychologique et des raffinements littéraires ; qu'elle est capable de franchir les frontières de l'auto-dissection artistique et de la contraction nationaliste, pour porter une parole de vie spirituelle dans le concile européen interrompu.

Anah'sant ensuite les différentes raisons qui rendent la reprise des relations intellectuelles entre les deux pays si difficile, Curtius n'hésite pas (et ceci nous invite à lui faire crédit pour le reste) à dénoncer d'abord l'absence de tact de nombre d'Allemands, -qui viennent à nous la main tendue, « sans rancune » et comme si rien ne s'était passé, puis s'étonnent qu'il y ait en France des intellectuels aux idées si étroites que de ne pas serrer avec empressement la main qu'ils nous tendent.

Le tact le plus élémentaire doit nous dire que des tentatives de ce genre sont, de notre part, tout ce qu'il y a de moins indi- qué. En plus, elles font preuve d'une parfaite méconnaissance de la psychologie française. Elles amèneront non pas un mouve- ment vers nous, mais le contraire, — une pénible surprise et un

�� �