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502 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

gande religieuse, établi d'après les Evangiles et les traditions les plus orthodoxes. C'est ce qu'il explique dans une longue intro- duction : Oui donc aujourd'hui lit emore les Evangélistes ? Et qui saurait les lire comme il faut, s'il les lisait? Les gloses des philo- sophes, les commentaires des exégètes, les variantes et l'éruditiûn des annotateurs servent bien peu... Le cœur veut autre chose. Chaque génération a ses inquiétudes et ses idées — et aussi ses folies . Il faut retraduire, pour le service des égarés, V antique Evangile. Pour que Christ soit toujours vivant dans la vie des hommes, qu'il soit éternel- lement présent, il est nécessaire de le ressusciter de temps en temps, non point pour le peindre à la mode et aux couleurs du jour, mais pour représenter grâce à des paroles nouvelles, à des rapprochements avec le présent, sa vérité éternelle et son histoire immuable.

Et c'est à cette tâche que Papini, néophjte illuminé, con- sacre tous les dons de poète et d'artiste que la grâce divine lui a accordés. Il se fait « joculator Dei », avec l'espoir que ses jongleries ramèneront au sanctuaire déserté le peuple en proie au matérialisme et à la haine. Regardons-y de près : ce rappro- chement de l'homme d'aujourd'hui et de Dieu, c'est le principe même du franciscanisme, c'est l'essence de toute l'hagiographie italienne du xiv^ et du xv^ siècles, depuis les Fioretti jusqu'à la Légende dorée, depuis Saint Bonaventure jusqu'à Sainte Cathe- rine de Sienne. Papini, dans l'ardeur de la foi, rejoint le Saint d'Assise. Mais son tempérament coléreux lui donne en route la haine d'un Saint Dominique ou d'un Jacopone da Todi contre les impies et les sceptiques.

Son histoire du Christ, en cent vingt-neuf chapitres qui couvrent six cent vingt-neuf pages imprimées serré, est une suite de tableaux et de récits, coupés de réflexions historiques, morales et religieuses. Le but sans cesse poursuivi est celui-là même que s'assignent les prédicateurs de la Passion, le ven- dredi-saint. II s'agit d'émouvoir d'abord pour mieux convaincre. Et pour émouvoir, on évoque le goût de l'éponge de fiel, on montre le sang coulant de chacune des plaies, dégouttant mêlé à la sueur poussiéreuse de la couronne d'épines aux yeux du Christ, etc. Papini se sert de la pitié et de la sympathie humaines pour hausser son lecteur jusqu'au divin.

Voici retable : fésus est né dans une Etable. Une Etable, une Etable réelle, ce n'est pas le ioyeux portique édifié pour le Fils de

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