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490 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

travers un tempérament de poète, ce qui par un juste retour des choses, ouvre des possibilités à l'infini, c'est-à-dire qu'il y aura finalement autant d'absolus qu'il y a d'individus pour en conce- voir. C'est en effet ce qu'on voit aujourd'hui se produire en phi- losophie où la pluralité des absolus aboutit à un relativisme général. Tout le monde est affirmatif, mais puisque les autres le sont autant que vous, et que vous n'êtes pas assez prétentieux pour vouloir l'être à vous seul, tout s'arrange, et la vie, sous ses mille formes contradictoires, continue comme par le passé et semble même être devenue plus riche, du fait que chacun sera entièrement libre de pousser son idée jusqu'au bout, sans devoir se soucier de celle des autres.

Mais revenons à la poésie. Rien n'empêcherait donc le poète, dirions-nous, de symboliser des idées, pourvu que ces idées fus- sent bien à lui, c'est-à-dire pourvu qu'il ait su y mettre assez du sien pour que ce qui s'y trouve de général, en passant par son âme, ait repris un caractère individuel. Pourtant, tout en admettant que cela soit possible, je ne cesserai de voir dans le symbolisme compris à la manière de M. Werfel un danger pour la poésie. Le poète s'abandonnant trop exclusivement à ce genre de littérature, risquera toujours de perdre le contact direct avec la vie, tirant ses inspirations d'un monde qui n'est pas le sien, ou du moins qu'il ne s'est pas conquis de haute lutte.

Pour pouvoir mieux m'expliquer, il faudra que j'ajoute ici quelques mots sur la psychologie de M. Werfel. Non qu'il faille chercher dans son oeuvre des procédés psychologiques. Le pourquoi et le comment s'y perdent dans le sens symbolique ; il ne faut pas de psychologie dans le royaume des s^nnboles. C'est même un des côtés les plus caractéristiques de la nouvelle poésie symbolique que l'absence voulue de toute analyse. L'amour est un fait dont il s'agit de dégager la portée générale. Or, toute psy- chologie risquerait de nous ramener aux vues particulières ; ce serait un amour et non pas l'amour dans le sens que donne M. Werfel. Il faut donc se garder de pénétrer dans les secrets d'une âme, car on retrouverait fatalement l'individu, au lieu de la chose en soi. Mais nous n'aurons pas la même retenue à garder envers le poète, créateur de symboles, et dont nous voudrions connaître l'inspiration afin de mieux comprendre

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