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47^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

défaut. Elle résonne du matin au soir de bavardages puérils et d'éclats de rire, de discussions et d'altercations, de jeux, plaisan- teries et marivaudages ; la vie y est amusante, mais elle n'a aucun style, aucun fini : dépourvue de toute forme, livrée entièrement au hasard, elle est en .un mot tout à fait décousue^. Les nom- breuses filles sont partout, il y en a huit de tous âges, entourées d'un essaim d'admirateurs. Il n'y a guère de place pour tant de jeunes gens débordant de force et de vitalité, mais ils se bouscu- lent avec une parfaite bonne grâce dans leurs jeux, sports et aventures. Dans l'ensemble on peut dire qu'ils prennent du bon temps -. Et le caractère le plus entreprenant de tous, le plus plein de vie et d'originalité est l'auteur qui évoque le souvenir de ce tableau, vu à quarante ans de distance. Désirez-vous vous fami- liariser avec le décor dans lequel se meuvent les personnages de douzaines de romans écrits entre 1860 et 1880, par exemple des romans d'un écrivain aussi typiquement anglais que Rhoda Broughton, qui malgré toute la négligence d'un art brossé à larges traits fut réellement l'auteur de la comédie de manoir, si fréquente dans notre littérature de fiction ? Vous trouverez dans la description de Miss Smyth la chose même, le docu- ment original, et, de sa main, ce document est plus proche de la vie, et d'une lecture plus captivante, que bien des romans. Ce n'est pas qu'elle écrive avec soin, elle parle plutôt qu'elle ne s'applique à écrire avec art, elle parle avec un humour exubé- rant et une parfaite liberté, n'épargnant personne, elle-même moins que les autres, mais elle parle d'une façon si vivante et si pittoresque, que l'impression est produite, la vie est recréée.

Et puis il y a sa' description des milieux de province de l'Alle- magne centrale, de la petite bourgeoisie amatrice de bonne musique, un monde familier depuis longtemps à la plupart d'entre nous, même à ceux qui ne connaissent par ailleurs que peu de chose ou rien du tout de la Prusse et de Berlin. Personne n'a dépeint ce milieu avec plus de recherche que Miss Smyth, qui pendant tout le temps que dura son apprentissage fut nourrie de la tradition de la belle musique classique allemande, dans le

1. En français dans le texte.

2. Hâve a good time.

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