41 6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
miaule sous son globe. L'ennui, mon ange gardien, s'en- vole silencieusement.
Vendredi.
Ce matin, il pleuvait ; je ne suis pas allé à Neuilly. Toute la journée, j'ai flâné dans Paris, cherchant des cadres pour ma belle tristesse. Le Jardin des Plantes où rêve accoudée au bassin d'eau sale, une ourse blanche qui res- semble à Simone, les quais gris de la Seine où les nymphes ne viennent plus danser, la place des Vosges et les vieilles maisons roses. Au crépuscule, assis à la terrasse d'un café, je me souvenais de mes amies perdues, Annie Laurence... Des ombres familières glissaient sur les vitres. Une femme me regardait en souriant. Adieu, passante, toi que je n*eusse pas aimée !
Annie est une jeune fille de Nantes qui arrêta un passant dans la rue, un soir de pluie :
— Monsieur, permettez-moi de vous réciter des vers.
— Mais, répondit-il.
Elle avait suivi des cours de diction et se rappelant un conseil du professeur, vieille demoiselle à lunettes, elle commença de déclamer le titre : Le dormeur du val.
Une étoile brilla :
— Rimbaud, dit le jeune homme, qui était poète. A minuit, il embrassait tendrement la jeune fille dans le jardin de la ville, sous les yeux rieurs d'une Vénus provinciale, coiffée à la chien et pudiquement drapée dans une tunique de pierre.
Cette nuit-là, le poète fit de mauvais rêves. Un ange lui apparut et lui reprocha sa conduite. L'ange parlait l'argot, il avait une jambe de bois et des plumes d'oie. A son réveil, le poète était désespéré ; il avait des principes sévères. Il n'ai- mait pas Annie et il regretta de l'avoir embrassée, la veille, dans le jardin public. Pourtant n'était-il pas excusable ? Il aimait tant Rimbaud ! Ah ! qu'aurait-il fait lui, Rimbaud,
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