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398 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

cher. Je savais que je pourrais frapper maintenant, même plus fort, que rien ne pourrait plus la réveiller, que je n'en- tendrais aucune réponse, que ma grand'mère ne viendrait plus. Et je ne demandais rien de plus à Dieu, s'il existe un paradis, que d'y pouvoir frapper contre cette cloison les trois petits coups que ma grand'mère reconnaîtrait entre mille, et auxquels elle répondrait par ces autres coups qui voulaient dire : « Ne t'agite pas, petite souris, je comprends que tu es impatient, mais je vais venir » et qu'il me laissât rester avec elle toute l'éternité qui ne serait pas trop lon- gue pour nous deux. M""' de Villeparisis se demandait tou- jours autrefois qu'est-ce que nous pouvions trouver ainsi sans jcesse à nous dire, maman et elle, elle et moi ! Ce nous serait déjà une assez grande douceur de rester l'un à côté de l'autre sans nous rien dire.

Le directeur vint me demander si je ne voulais pas des- cendre. A tout hasard il avait veillé à mon « placement » dans la salle à manger. Comme il ne m'avait pas vu, il avait craint que je ne fusse repris de mes étouffements d'autrefois. Il espérait que ce ne serait qu'un tout petit « maux de gorge » et m'assura avoir entendu dire qu'on les calmait très bien à l'aide de ce qu'il appelait : le « Calyp- tus T> .

Il me remit un petit mot d'Albertine. Elle ne devait pas venir à Balbec cette année mais avait changé de projets et était depuis trois jours, non à Balbec même, mais à dix minutes par le tram, à une station voisine. Craignant que je ne fasse fatigué par le voyage elle s'était abstenue pour le premier soir, mais ^me faisait demander quand elle pourrait venir. Je m'informai si elle était venue elle-même, non pour la voir, mais pour m'ar- ranger à ne pas la voir. « Mais-zoui, me répondit le directeur, elle voudrait que ce soit le plus tôt possible, à moins que vous n'ayez pas de raisons tout à fait nécessiteuses. Vous voyez, conclut-il, que tout le monde ici vous désire, en définitif. « 

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