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250 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

essence ». Et pourtant il serait absurde de vouloir dès l'abord composer sa propre vie en exemple — prendre pour point de départ ce qui ne peut en être que le suprême aboutissement. — Ce summum ne peut être obtenu par aucun effort : c'est le don gratuit des dieux à celui qui est sans intentions : Il sera à jamais inaccessible à tout vouloir impétueux.

« Sans intentions, » — le mot s'applique assez exactement à ce mince recueil de souvenirs. Fait de pièces et de morceaux, pas une page n'en était destinée à la publicité et quel poignant et pathétique exemple il propose aujourd'hui à la jeunesse en déroute d'un pays vaincu ! — Au point de vue purement intel- lectuel, il constitue une véritable petite encyclopédie des pro- blèmes de culture autour desquels se passionne la conscience allemande depuis vingt ans.

En face de ce jeune esprit si noble et si parfait, se plaindra- t-on d'une certaine absence de contours, qui n'est due peut-être qu'à l'absence même de défauts (ou réciproquement) ?

Dans cette riche matière spirituelle, point de vides, ni de ces découpures qui accentuent le caractère et donnent une phy- sionomie particulière à la silhouette. Un jeune arbre fruitier au mois de mai, éclatant et noj'é dans le miracle profus de ses fleurs, peut donner comparable impression de splendeur égale et indéterminée. Otto Braun, malgré la précieuse goutte de sang latin qu'il a dans les veines, est bien un phénomène typi- quement allemand — et combien il se voulait tel, — bien de ce pays où les esprits se dégagent difficilement de leur gaîne trop cossue, et à qui il faut un Goethe là où, en France, un Mon- taigne souvent suffit.

Tel qu'il est, et si le peu qui reste de lui pouvait être rendu accessible à des lecteurs français, nul doute qu'il ne s'en trou- verait quelques-uns pour accorder à ce jeune combattant ennemi l'hommage et le regret qui lui sont dus.

ALAIN DES PORTE s

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��LE MIROIR DES LETTRES, par Fernajid Fandérem (Flammarion).

M. F. Vandérem vient de réunir en un second volume ses chroniques de la Revue de Paris, qu'il continue à présent

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