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238 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

que l'observateur qui n'eût été que savant. De la science, dont il nous épargne l'appareil, il ne se sert que comnre d'un écha- faudage pour mieux plonger du regard dans les replis de l'âme chinoise. Et il rend ce qu'il a vu à la façon des peintres de là- bas. Son pinceau délié ne se charge quede la matière nécessaire à dessiner une ligne du réel qui s'effile, fuit, suggérant à l'oeil des perspectives sans fin, entraînant l'esprit vers le pôle obscur de la pensée. L'individu dans ce milieu n'est plus en quête de soi uniquement, ni uniquement absorbé par un groupe, social ou national. Une tradition immuable pèse sur lui moins que la nôtre sur nous ; son passé, malgré l'apparence, détermine à peine son présent, parce que passé et présent ne lui sont qu'un moment fondu dans la durée. Participant d'un ensemble où nature et créature se relient sans résistance, mais non sans élan, une aristocratie intellectuelle doit à l'immensité même de cet ensemble et à la puissance de cet élan, de dépasser nos abstrac- tions, nos constructions logiques et même nos symboles. Ce que l'auteur dit tantôt de l'art chinois, tantôt du taoïsme, fait deviner toute la signification dont peut encore se charger pour nous le nom de vie intérieure, et de quel prix seraient les renoncements enseignés par Lao-Tze dans une Europe qui ne parvient pas à se détacher de l'accident, où nulle part on ne sent l'inspiration qui des ruines ferait rejaillir une grande idée. Vues d'Asie nos civilisations paraissent bien pauvres, bien menacées par ce que nous tenons pour nécessités géographiques, histori- ques, économiques. Des regards jetés sur nous-mêmes en pre- nant un tel recul, nous aideraient à nous affranchir d'une con- dition qui est avant tout servitude de l'esprit. Je ne pense pas qu'il faille, comme les Allemands le font actuellement, entasser les traductions, organiser bibliothèques, collections, musées d'Extrême-Orient, pour redonner à l'Occident une beauté, une sagesse. Le propre de la pensée française est de se garder de ces excès. Pourtant l'idée d'humanité que nous tenons de notre passé rationaliste ou m5'stique devra s'élargir. A des besoins troubles encore, mais prodigieusement multipliés, des sources s'ouvrent auxquelles nous n'avions pas bu. Si longs que nous devions être à nous désaltérer, c'est un rafraîchissement déjà que d'entendre parler d'une nappe surgissant à d'autres profondeurs. Elle recèle — lisez ce livre sur la Chine et celui qui le sui%Ta sur le Japon

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