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NOTES 23 r

qu'une telle poésie échappe, par essence, à tout critère litté- raire ; et l'admiration qu'il éprouvait conservait un caractère sacré. Il ne nous aidait dès lors en rien à entendre l'art de Jean de la Croix. Ceux qui, pour être fidèles à une émotion d'une autre qualité, se laissent étourdir, en lisant Jean de la Croix, par les images de passion, s'éloignent tout aussi fortement du secret qu'il s'agirait de surprendre. Et, dans les deux cas, c'est un académisme qui nous interdit de deviner la vie des symboles et des images. Images et symboles qui ne sont pourtant pas inaccessibles à une analyse interne, mais que seul un effort . métaphysique nous pourrait amener à discerner.

Il faut remercier M. René-Louis Doyon de nous avoir donné la première traduction, de langue française, qui ne trahisse pas l'énergie des vers de Jean de la Croix. M. Doyon a arraché Jean de la Croix aux fadeurs des interprétations courantes, non moins qu'aux fausses grâces, plus redoutables encore peut-être, qui transformaient presque en pastorales galantes des vers où se retrouve l'accent du Cantique des Cantiques, où s'exprime aussi un symbolisme qui traduit une intuition de l'univers. M. Doyon écrit que « ce n'est pas seulement le dessin des vers » qu'il a « voulu rendre, mais la poésie entière. » Il a été particulière- ment heureux, à cet égard, en sa reconstitution du « Cântico ». Il a retrouvé le mouvement du Dialogue entre l'Ame et l'Epoux ; il a démêlé quelques-unes des phases de la pensée lyrique. Et quand il- inscrit, au seuil de la dernière strophe du poème, la mention : « Le Poète », il nous fait adhérer au recueil- lement silencieux qui succède à l'éclat des chants d'amour.

La traduction de M. Doyon parvient souvent à ressaisir les délicates nuances du texte. Elle est pourtant parfois indécise et laisse, çà et là, s'évanouir de véritables moments de la pensée. La dernière strophe du poème de la « Noche oscura » est ainsi tout à coup privée de sa signification métaphysique. Le vers

Cesô todo y dejénie

n'est pas rendu, alors que ces mots : « tout cessa et je m'aban- donnai )) expriment l'absorption dans l'univers mystique. En d'autres cas, M. Doyon, en voulant commenter le texte, en a altéré la puissante simplicité. Pourquoi traduire les admirables vers :

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