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ON NE SAURAIT TOUT DIRE 163

de temps à vous relater maintes choses qui n'en valent pas la peine et j'en viens à perdre de vue l'objet même de mon récit.

Il se fait tard ; je ne pourrai vous dire, ce soir, ni comment nous remplaçâmes nos couvre-chef, égarés dans la bataille, par de petits feutres coniques de l'effet le plus réjouissant, ni comment, abandonné vers minuit par d'in- dignes compagnons, au cœur d'une ville inconnue, je cédai aux douceurs de l'ivresse,- m'endormis en traversant une place pubhque et me réveillai le lendemain matin dans mon lit, ni comment, tourmentés par d'innombrables liba- tions d'une bière fluide, nous parcourûmes au pas de course une grande cité gothique si dépourvue de ce que vous savez qu'il nous fallut, pour nous soulager, grossir les flots du Danube. Je ne pourrai même pas vous raconter comment, dans un silence constellé de clarines, nous pas- sâmes, à flanc de montagne, une nuit enchantée, couleur de saphir, ni comment, parvenus sur le faite avec l'aube, nous découvrîmes une fois de plus que le monde nous appar- tenait.

GEORGES DUHAMEL

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