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LE CARNET DES ÉDITEURS 3

Henriette Mirabaud-Thorens : EN MARGE DELA GUERRE. Un vol. in-i8, 6 fr. ■

Un kilomètre était gngnc ou perdu ; Hervé écrivait des articles superbes ; Rennenkampf trahissait ; une Américaine échappée au naufrage du Lusilauia arrivait dans la petite ville. L'on disait : « Le pessimisme pour un civil est comme la trahison pour un militaire ». Ou bien, en apprenant la défection bulgare : « Nous n'avons pas besoin de ces sauvages, nous qui luttons pour le droit et pour la justice ». Quelque personnage officiel affirmait en confidence que la guerre finirait par une cote mal taillée.

Le recul est aujourd'hui suffisant : chacun de nous peut faire exactement la part de ses erreurs, de son courage ou de ses craintes en ces temps singuliers. 11 est plus intéressant encore d'apprendre comment des familles, différentes de classe, d'édu- cation, surent pareillement réagir. Dans les « journaux civils de guerre » qui ont été jusqu'à présent publiés, il me semble que l'on a trouvé bien plus d'indépendance, et plus aussi de juge- ments « défendus » qu'il n'était à prévoir. Les remarquables souvenirs de M'"<= Daudet, notamment, avouent par instants un « défaitisme » inattendu.

M""^ Mirabaud-Thorens, fille du docteur Thorens qui fut l'un des principaux promoteurs de l'Association générale d'Alsace- Lorraine, publie à son tour ses mémoires : notes prises au jour le jour, sans apprêt, auxquelles il ne semble pas qu'un seul mot ait été, après coup, ajouté ou retranché. Souvenirs de Berne où ff l'on a honte de voir donner de si belles carottes aux ours quand tant de gens souffrent de la faim » ; visite à André Gide « à la figure glabre et moyenâgeuse » ; rencontre de Barrés cher- chant dans une maison délabrée de Verdun une poupée que sa filleule de guerre lui a demandé de rapporter ; récits de combats et de blessures. Les anecdotes sont contées d'un style alerte, qui touche par sa simplicité et sa grâce brusque : elles témoignent toutes d'une volonté morale affermie, tendue, sûre d'elle. La même confiance intelligente et passionnée anime et rend tragi- ques trois cent vingt pages de souvenirs, des plus légers aux plus graves, qui constituent la « somme » la plus complète, jus- -qu'à présent, des sentiments et des actes des Français qui vécu- rent « en marge de la guerre » .

I. Chez Emile-Paul frères, loo, rue du Faubourg Saint-Honorc.

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