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bes que préfèrent en général les Italiens et qui sont le symbole du mouvement et du tumulte.

Le repos d’un mur nu, ou orné seulement d’une immense carte géographique, le calme d’une porte enténébrée o\i d’une table rectangulaire s’opposant à quelque silhouette vivante, tels sont les motifs qu’affectionne Vermeer et avec lui tous les peintres d’intimité.

En cette exposition des Tuileries comme pour opportuné- ment conseiller .les peintres français, ce sont ces peintres d’intimité qui sont les mieux représentés. Vermeer le premier constitue le trait d’union le plus frappant entre la tradition flamande et l’impressionnisme. Sa J’iie de Del fi baignée de clartés si cristallines, n’est-elle pas aussi éclatante qu’un paysage de Pissaro ? La technique impressionniste elle-même fut pressentie par cet amoureux de la lumière. Que l’on regarde la nature morte de la Verseuse de lait traitée par petites touches pressées, ou les maisons de la Vue de Delft : on reconnaîtra dans ce pointillisme modulateur le métier dont les impressionnistes devaient faire un emploi systématique. Mais il ennoblit singulièrement cette technique du coup de pinceau, en exerçant le frémissement de sa brosse dans les limites d’une architecture précise et géométrique. On ne saurait trop admirer la beauté du dessin de ses deux figures : celle qui massive et grave verse le lait et celle qui, coiffée d’un turban, immobilise son regard dans l’atmosphère picturale la plus pure qui ait jamais été créée. Il convient de placer immédiatement après Vermeer, Pieter de Hoogh moins profond et moins savant, mais dont le Cellier, la Maison de campagm, et ce jardin où il semble que le douanier Rousseau ait glané quelques fleurs, sont des merveilles dont seul Le Moulin de Ruysdaël peut supporter sans amoindrissement l’éclat.

Rembrandt eût plus fortement impressionné, s’il eût été représenté par ses tableaux colorés (il conviendrait de dire : ses tableaux les mieux conservés) tels que le Portrait du bourgmestre Six, ou ce prodigieux David et Sai’il du Mauristhuis, une des œuvres qui méritent le mieux le nom de sublime. Sauf la nature-morte aux paons, où les Français, habitués aux Rembrandt crasseux du Louvre, découvrent avec stupeur que le peintre du Bon Samaritain employait tout comme un autre le bleu, le vert et le blanc, ces toiles de Rembrandt, tout admirables