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NOTES 749

Rembrandt, austère génie, afiîrme ce goût de la matière dans la plupart de ses toiles, avec une force un peu effrayante. Il n'est pas de « cuisine » défendue qui ne soit pratiquée par lui : empâtements, jus, frottis, retouches et raclures au couteau, tous les inipeiUiiieuta du métier de peintre sont obstinément employés par lui, sauf en quelques toiles, les plus belles, où le métier simple de la brosse balaie magistralement des surfaces vivantes. Son dessin est le moins plastique qui soit : il est impossible, devant ses toiles, de se livrer à ces faciles spéculations, que sol- licitent les tableaux italiens, sur les organisations de courbes et de droites, d'obliques et de verticales. Les formes émergent en trompe-l'œil, d'une ombre épaisse, violemment fouettées de lumière, bosselées plutôt qu'enfermées en des linéaments purs. A distance, quelques taches claires sur un fond trop sombre. Les modulations (ou variations des valeurs) qui justifient toute peinture et qui sont chez Rembrandt indépassables en nombre et en subtilité, sont le plus souvent localisées sur un visage ou une main. Ces parties sortent ainsi du cadre, n'étant pas équili- brées, repoussées en arrière par des valeurs équivalentes dans les fonds (comme chez le Gréco par exemple). C'est donc avec mille précautions, et, cette fois, avec un soin jaloux des règles latines, qu'il convient, pour un Français, d'aborder ce géant dangereux, dont la technique singulière hypnotise quelques jeunes artistes de talent qui à la suite de Le Fauconnier semblent vouloir verser dans un romantisme technique, et ne jurent que par la truelle, le brun rouge, et le pittoresque des plans désor- donnés.

Les réserves nécessaires une fois faites, Rembrandt nous encourage, avec une force nulle part égalée, à abandonner une fois pour toutes la stérile et un peu enfantine recherche « déco- rative » dans le tableau de chevalet. Il nous pousse à rompre définitivement avec la fausse doctrine du tableau-fresque, à abandonner tout reflet d'imagerie, à préférer la « valeur » à la « couleur » du tube ; il nous enjoint enfin l'ordre de cultiver le clair-obscur, seul élément susceptible de douer le tableau d'in- tensité, d'en faire un organisme complet, vivant sur lui-même et non parasitairement sur le mur comme ces fausses fresques . que la manie ornementale suscita depuis Gauguin, et dont nous commençons à peine à perdre le goût. Le clair-obscur, l'amour

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