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700 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Agafia Tikhonovna (se détourne avec dédain, et, à mi-voix, mais pas assez fort pour être entendue de Starikov). — Ce n'est pas une boutique, ici.

Starikov. — Ah, bon ! Est-ce que j'arrive mal à propos ou l'affaire est-elle déjà faite ?

Arina Pantélèimonovna. — Ne faites pas attention, Alexis Dmîtriévitch ; bien que nous n'ayons pas de laine à vendre, nous sommes heureuses de vous voir. Veuillez bien vous asseoir.

(Tout le monde s'assied. Silence.)

Iaïtchnitsa. — Quel drôle de temps il fait aujourd'hui. On aurait dit, ce matin, qu'il allait pleuvoir, et, à présent, on dirait que c'est passé.

Agafia Tikhonovna. — Oui, c'est un temps qui ne ressemble à rien. Par moments, il fait clair ; d'autres moments il se met à pleuvoir ! C'est extrêmement désagréable.

Jévakine. — En Sicile, où nous étions, madame, au printemps avec l'escadre (ce devait être, si je compte bien, aux alentours de notre mois de février), quand on sortait, je me rappelle, il faisait soleil, et, tout d'un coup, arrivait une petite pluie ; et, vraiment, c'était la pluie.

Iaïtchnitsa. — Le plus fâcheux c'est d'être seul par un temps pareil. Un homme marié, c'est autre chose. Il ne s'ennuie pas. Mais pour un célibataire, c'est réellement...

Jévakine. — La mort. La vraie mort !

Anoutchkine. — C'est juste.

Kotchkariov. — Assurément, c'est un vrai tourment. On maudit la vie. Que Dieu garde chacun d'éprouver pareille chose !

Iaïtchnitsa. — Mademoiselle, s'il vous était donné de choisir un objet à votre goût, voudriez-vous me dire — pardonnez-moi d'y aller si carrément — quel il serait ? Permettez-moi de savoir dans quelle administration vous jugeriez le plus convenable de prendre un époux ?

Jévakine. — Voudriez-vous pour mari, mademoiselle, un homme qui a connu les tempêtes marines ?