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Scène XV

Les Mêmes. — Jévakine.

Jévakine, à Douniâchka, qui le fait entrer. — Chère petite, je te prie, époussette-moi un peu. J'ai ramassé, tu le vois, pas mal de poussière dans la rue. Enlève-moi, s'il te plaît, ce duvet par là. (Il se tourne.) C'est ça. Merci, chère petite. Regarde encore là ; n'y a-t-il pas une petite araignée qui me court ? Sur les basques de mon habit, n'y a-t-il rien ? Merci, ma petite. Je crois qu'il y a encore quelque chose là. (Il passe la main sur la manche de son frac et regarde Anoûtchkine et Iaïtchnitsa.) Ce petit drap-là est du drap anglais,... et comme il est solide ! En 1795, tandis que notre escadre était en Sicile, je l'ai acheté, étant encore enseigne, et je m'en suis fait faire un uniforme. En 1801, sous le règne de l'empereur Paul, j'ai été promu lieutenant, et le drap était encore tout neuf. En 1814, J'ai fait une expédition autour du monde ; c'est tout juste si le drap s'est un peu usé aux coutures. En 1815, j'ai pris ma retraite et l'ai fait retourner. Il y a dix ans que je le porte, et il est encore comme neuf. Merci, ma chère petite... Hum, la belle des belles ! (Il lui fait un remerciement de la main, s'approche du miroir et s'ébouriffe les cheveux.)

Anoutchkine. — Oserai-je vous le demander, la Sicile, dont vous avez daigné prononcer le nom, ce doit être un beau pays, la Sicile ?

Jévakine. — Magnifique ! Nous y avons passé trente-quatre jours, et, j'ose vous le dire, c'est un pays merveilleux. De ces montagnes, de ces arbustes, de ces petits grenadiers, et, partout, de ces petites Italiennes, comme des petites roses. On n'a que l'idée de les embrasser.

Anoutchkine. — Sont-elles bien élevées ?

Jévakine. — Extrêmement bien. Il n'y a chez nous