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SI LE GRAIN NE MEURT... $L

de la mienne, et pleine de considération pour la musique, la peinture, la poésie et en général: tout ce- qui la, surplom- bait, faisait de son mieux pour éclairer mon goût, mon juge- ment, et les siens propres. Si nous allions voir une exposi- tion de tableaux — et nous ne manquions aucune de celles que le Temps voulait bien nous signaler, — ce n'était jamais sans emporter le numéro du journal qui en parlait, ni sans relire sur place les appréciations du critique, par grand'peur d'admirer de travers, ou de n'admirer pas du tout. Pour les concerts, le resserrement et la timide mono- tonie des programmes d'alors laissaient peu de champ à l'erreur ; il n'y avait qu'à écouter, qu'à approuver, qu'à applaudir.

Maman me menait chez Pasdeloup à peu près chaque dimanche ; un peu plus tard nous prîmes un abonnement au Conservatoire où, deux années de suite, nous allâmes ainsi, de deux dimanches l'un. Je remportais de certains de ces concerts des impressions profondes, et ce que je n'étais pas d'âge encore à comprendre (c'est en 79 que maman commença de m'y mener) n'en façonnait pas moins ma sensibilité. J'admirais tout, à peu près indifféremment, comme .il sied à cet âge, sans choix presque, et par urgent besoin d'admirer : iit mineur et la Symphonie Ecossaise, la suite de concertos de Mozart que Ritter ou Risler débitait chez Pasdeloup de dimanche en dimanche, et le Désert de Félicien David, que j'entendis plusieurs fois, Pasdeloup et le public affectant un goût particulier pour cette œuvre aimable, qui paraîtrait sans doute un peu désuette et man- quant d'épaisseur, aujourd'hui ; elle me charmait alors comme avait fait un paysage oriental de Tournemine, qui loTs de mes premières visites au Luxembourg avec Marie me paraissait le plus beau du monde : il montrait, sur un fond de couchant couleur de grenade et d'ora.nge, reflété dans de calmes eaux, des éléphants ou des chameaux allon- geant trompe ou cou pour boire, et tout au loin une mos- quée allongeant ses minarets vers le ciel.

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