Page:NRF 16.djvu/557

Cette page n’a pas encore été corrigée

MARS OU LA GUERRE JUGÉE 551

��DU JUGEMENT

Il y a une intelligence qui est miroir seulement. Fidèleà retracer les circonstances de ce qui est. Parfaite pour ensei- gner et expliquer; de nul effet pour l'action. Non qu'elle ne puisse annoncer, d'après l'état actuel, l'état des choses qui suivra ; mais agir d'après cela ce n'est toujours que suivre. Ainsi le docteur en politique nous annonce la guerre ou la disette ; nous ne serons point surpris ; nous aurons nos pro- visions ou nos chaussures de marche.

Mais, par l'exemple des provisions, on voit déjà en quoi l'intelligence miroir remet l'homme au-dessous d'une bonne machine à prévoir ; car une telle machine ne change pas l'avenir par ses annonces ; au lieu que l'homme qui craint la disette et fait des provisions contribue par sa part à semer l'alarme et aggrave la crise, comme on a vu.

Venez donc une bonne fois à apercevoir que la guerre est un fait humain, purement humain, dont toutes les cau- ses sont des opinions. Et observons que l'opinion la plus dangereuse ici est justement celle qui fait croire que la guerre est imminente et inévitable. Sans qu'on puisse dire pour- tant qu'elle soit jamais vraie ; car si beaucoup d'hommes l'abandonnaient, elle cesserait d'être vraie. Considérez bien ce rapport singulier, que l'intelligence paresseuse ne veut jamais saisir. Voilà une opinion assurément nuisible, et qui peut-être se trouvera vraie, seulement parce que beaucoup d'hommes l'auront eue. C'est dire que dans les choses humaines, qui sont un tissu d'opinions, la vérité n'est pas constatée, mais faite. Ainsi il n'y a point seule- ment à connaître, mais à Juger, en prenant ce beau mot dans toute sa force.

Pour ou contre la guerre. Il s'agit de juger ; j'entends de décider au lieu d'attendre les preuves. Situation singu- lière ; si tu décides pour la guerre, les preuves abondent.

�� �