Page:NRF 16.djvu/505

Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 499

travaillé pour le roi de Prusse, il veut que son travail lui rap- porte. C'est aussi pourquoi, tandis que le Prussien pour être socialiste n'a besoin que d'être pleinement lui-même, l'Anglais aura beau faire, il ne le sera jamais. Tant pis pour l'Anglais, direz-vous, ou tant mieux, selon votre conviction politique, et que chacun des deux, le Prussien et l'Anglais, continue donc de vivre à sa manière. Telle n'est pas l'opinion de M. Spengler. 11 faut que les choses se décident, et qu'on sache lequel des deux aura raison. Car les deux idées et les deux nations qui les incar- nent, ont une tendance vers l'universel, et l'universel ne pou- vant se diviser en deux, sans cesser d'être l'universel, il faudra bien que l'une ou l'autre d'entr'ellescède la place. Mettons donc les choses au point. L'univers sera-t-il la proie de quelques individualistes entreprenants, ou sera-t-il administré selon les principes d'une sage organisation ? Les Césars du futur empire mondial seront-ils des milliardaires ou le monde sera-t-il régi par des fonctionnaires mondiaux? Le commerce sera-t-il soumis à l'Etat ou l'Etat sera-t-il soumis au commerce ; le travail sera- t-il désormais considéré comme une marchandise ou comme un devoir ? Les différences entre les hommes seront-elles toujours fondées sur des degrés de richesse, y aura-t-il toujours des riches et des pauvres, ou saura-t-on créer une large organisa- tion dans laquelle chacun aura son rang selon l'importance des fonctions qu'il exerce dans l'ensemble ?

Telles sont les questions. jMais comment une décision intei- viendra-t-elle ? Les idées ont beau s'opposer l'une à l'autre : leur opposition, en tant qu'idées, a beau être irrémédiable, elle n'en- traîne pas pour cela de décision. Dans le monde de Platon règne la paix. C'est pourquoi les idées, lorsqu'elles veulent que leur procès soit jugé, descendent sur terre ; elles s'incarnent dans des Etats, dans des peuples, des partis politiques ; et les voilà bien armées et en mesure de se faire la guerre.

Les idées exigent du sang, dit M. Spengler. Paisibles entités, tant qu'elles séjournent dans le monde éternel, elles deviennent sanguinaires, aussitôt qu'elles se mêlent aux mortels et que vivant de notre vie, elles deviennent chair de notre chair. Les peuples dont elles ont pris possession subissent alors le sort qu'elles leur dictent. A eux de se sacrifier et de sacrifier les autres pour l'idée. C'est ainsi que l'histoire est faite, l'histoire

�� �