Page:NRF 16.djvu/504

Cette page n’a pas encore été corrigée

498 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

en une foule d'oppositions brillantes et imagées, et voilà le sys- tème tout fait.

11 n'y a qu'un socialisme et c'est le socialisme allemand, com- mence par nous déclarer M. Spengler : nous autres Allemands, nous serions socialistes, même si le mot socialisme n'avait jamais été prononcé. Les autres ne sauraient pas l'être. Ce qui rend les Allemands socialistes, c'est l'esprit prussien. L'esprit prus- sien traditionnel et le socialisme ne font qu'un. En vertru de cet esprit, tout Allemand est ouvrier et se met au service de la col- lectivité. L'Etat forme une organisation dans laquelle chacun, qu'il commande ou qu'il obéisse, a des devoirs à remplir. La volonté individuelle se confond avec la volonté du tout. C'est de cet esprit qu'est née la grande idée de la vie économique conçue comme un tout solidaire et qui doit être réglé d'après des points de vue supérieurs à l'égoïsme des particuliers, ou pour mieux dire, comme une administration où il n'y aurait plus de place pour des particuliers qui voudraient se créer une existence séparée. Pour achever le socialisme, qui d'instinct se trouve dans tout cœur vraiment prussien, il n'y aura qu'à faire de tout ouvrier un fonctionnaire. Le fonctionnaire prussien, création des HohenzoUern, est le socialisme personnifié. Que sa manière d'être et de faire s'étende à tous les sujets de l'Etat prussien et voilà le socialisme devenu une réalité.

Je vous ai présenté le Prussien. 11 faudra maintenant que vous connaissiez l'Anglais qu'une providence ne semble avoir mis au monde que pour mieux faire ressortir les qualités du premier. Si le Prussien est l'affirmation la plus haute de l'idée de l'Etat, l'esprit anglais en est la négation. Tous pour tous : c'est la formule prussienne ; chacun pour soi, l'anglaise. L'Anglais ne cherche donc que son intérêt individuel, ce qui veut dire pour M. Spengler qu'il cherche à s'enrichir. Le Prussien, au contraire, n'est tout à fait content que lorsqu'il occupe un rang dans l'Etat. C'est aussi pourquoi le Prussien place toutes ses valeurs dans le travail en lui-même, tandis que pour l'Anglais le travail n'est qu'un moyen d'aboutir et de satisfaire une ambition personnelle.

Le Prussien travaille « pour le roi de Prusse » — c'est M. Spengler qui le dit — c'est-à-dire qu'il travaille sans la sordide considération du profit. L'Anglais ne veut pas avoir

�� �