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Crac ni l’élixir de l’abbé Mulot). Il s’agit de cette réalité sociale utile dont Auguste Comte a eu le sentiment si profond et si clair. La moyenne de la vie sociale utile, de la vie productive de l’adulte, est d’environ trente-trois ans. Mais la réalité sociale encadre l’individu entre ses parents et ses enfants : une génération familiale est liée à celle qui la précède et à celle qui la suit, à celle qui l’a élevée et à celle qu’elle élève, l’homme vit de l’héritage social que lui ont transmis ses parents, vit pour en transmettre un autre à ses enfants. La première partie de sa vie est liée à la vie de ses parents, la dernière partie à la vie de ses enfants. Socialement et intellectuellement il connaît donc trois générations : la sienne, la génération précédente qui l’a préparé et dont il s’est détaché, la génération suivante qu’il prépare et qui se détache de lui. On peut dire que les états psychologiques dont la chaîne constitue son existence intérieure sont intéressés et déterminés à peu près également par ce*-- trois générations, la sienne propre déterminant particulièrement ce que Comte appelle son existence objective, les deux autres étant prépondérantes dans son existence subjective, dans l’existence représentée. Trois existences utiles de trente-trois ans chacune forment précisément un siècle. De cette loi des trois générations, Lorenz (que résume M. Mentré) tire une philosophie de l’histoire qui repose sur ces principes. « La mesure objective de tous les événements historiques est le siècle. — Le siècle est l’expression matérielle et spirituelle de trois générations d’hommes. — C’est une unité de mesure trop petite pour les longues séries d’événements. — Immédiatement après viennent les périodes de 500 ou 600 ans. *)

Nul doute qu’il ne soit intéressant et fructueux de creuser dans la direction indiquée par le savant allemand. Malheureusement ses thèses sont d’autant plus fragiles qu’il serre l’histoire de plus près. Il faut leur donner plus de jeu, d’élasticité, et, comme disait Mallarmé, y remettre de l’obscurité. Aux lois historiques qui paraîtraient se dégager de celle des trois générations (dont le fond est incontestable) il faudrait provisoirement garder un caractère tout empirique, analogue à celui des lois de Bode ou de Bruckner. En voici une qu’on peut tirer des idées de Lorenz et que le siècle suivant a curieusement confirmée.