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320 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de la mort, et je ne me trompais pas. Après une contrac- tion plus forte de tout son corps, je vis sa tête s'incliner et tomber sur mes pieds avec un bruit sourd. J'essayai de la lui relever, mais je vis qu'elle était morte.

Je ne saurais dépeindre quelle impression de tristesse j'éprouvai, ainsi que ceux qui avaient encore leur raison ; nous nous regardions tristement sans échanger une parole et chacun pensait sans doute que son tour allait arriver.

Comme il faisait encore grand jour, je ne voulus pas jeter immédiatement le corps de la pauvre femme à la mer ; je trouvais convenable et décent d'attendre la nuit, car sous les pardessus mouillés qui la recouvraient elle était presque nue et je voulais que sa sépulture dans la mer fut pratiquée avec tout le respect dû aux morts. Cette triste cérémonie fut donc effectuée assez avant dans la soirée par le charpentier et par moi ; nous jetâmes le corps par-dessus bord.

Dans cette avant-dernière journée, qui était la cin- quième, celui qui me fut du plus grand secours est M. Hébert, car sans lui, notre baleinière aurait probable- ment coulé dès le matin, ou encore, abandonnant le canot à la dérive, sans direction, n'aurions-nous pas rencontré le navire sauveur. Grâce à lui, dès le matin de ce cinquième jour, je pus réinstaller la mâture, qui ne tenait plus dans l'eraplanture de l'avant, usée par le frottement du mât. (Nous ne pouvions plus tenir la voile ainsi, il fallait à tout prix la réinstaller pour pouvoir naviguer.)

Nous transportâmes donc le mât à l'emplanture de l'ar- rière, qui était celle du grand mât et qui était encore intacte puisque nous n'avions pas de grand mât. Com- ment eûmes-nous la force d'opérer ce changement, faibles comme nous l'étions ? Je l'ignore, mais ce ne fut pas sans peine que nous réussîmes à remâter et à réinstaller la voile. Le comble est qu'ainsi maté, notre canot gouvernait très mal car, la voile n'étant pas équilibrée, il était très -ardent et venait toujours dans le vent ; cela nécessitait des

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