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NAUFRAGE DE LA « VILLE DE SAINT-NAZAIRE » 2<^$

peu de nourriture. Nous grignotâmes les bribes de pain détrempé d'eau de mer qui nous restaient, avec quelques parcelles de saumon et de jambon ; mais tout cela étant salé, nous ne pûmes en manger qu'une ou deux bouchées, qui eurent encore beaucoup de mal à passer dans notre estomac, car nous n'avions plus rien à boire. Les quelques litres d'eau que nous avions pu emporter avaient été consommés dans le courant de la journée ; il ne restait plus comme ressource que l'eau salée, dont plusieurs de mes compagnons usèrent, et abusèrent même, et qui leur causa des hallucinations. Nous étions donc occupés à nous restaurer ainsi médiocrement., quand, vers 5 heures, au mociient où notre embarcation se trouvait sur la crête d'une grosse lame, j'aperçus fort distinctement une bande grise à l'horizon : il n'y avait pas de doute, c'était bien la terre. Tous mes compagnons se mirent à regarder et furent bien convaincus que c'était elle. Au même instant, le lieutenant Hébert qui était monté sur la plate-forme de l'avant, s'écrie : « Un navire à voiles droit devant. » Tous les yeux se dirigèrent vers la direction indiquée, et virent en effet à une grande dis- tance un -navire, dont on distinguait très bien la voilure. Malgré cet espoir, je doutai fort que ce navire pût apercevoir notre pauvre petite embarcation, qui ne devait lui appa- raître que comme un point minuscule à l'horizon. Dans la direction du navire, on n'apercevait aucune bande de terre, car celle que l'on voyait se trouvait dans la direc- tion du N.-O., c'est-à-dire faisait avec la direction de notre route (à peu près l'Ouest), un angle de quatre quarts environ (46*). La question de savoir si nous devions con- tinuer à courir sur le navire, ou bien nous diriger sur la terre, fut agitée. Les uns, qui croyaient reconnaître que le navire avait le cap sur nous, optèrent pour continuer la même route ; les autres (je fus de ceux-là) apercevant la terre relativement peu éloignée, se dirent avec raison qu'il valait mieux se diriger vers elle, puisqu'on était sûr de

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