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EUPALINOS OU l'architecte 27 1

se livrer à la fermentation des affaires... Mais les demeures de la justice doivent parler aux yeux de la rigueur et de l'équité de nos lois. La majesté leur sied, des masses toutes nues ; et la plénitude effrayante des murailles. Les silences de ces parements déserts sont à peine rompus, de loin en loin, par la menace d'une porte mystérieuse, ou par les tristes signes que font sur les ténèbres d'une étroite fenêtre, les gros fers dont elle est barrée. Tout ici rend des arrêts, et parle de peines. La pierre prononce gravement ce qu'elle renferme ; le mur est implacable ; et cette œuvre, si conforme à la vérité, déclare fortement sa destination sévère...

SocRATE. — Ma prison n'était point si terrible... Il me semble que c'était un lieu terne et indifférent en soi.

Phèdre. — Comment peux-tu le dire !

SocRATE. — J'avoue que je l'ai peu considérée. Je ne voyais que mes amis, l'immortalité, et la mort.

Phèdre. — Et je n'étais pas avec toi !

SocRATE. — Platon n'y était pas non plus, ni Aris- tippe... Mais la salle était pleine. Les murs m'étaient cachés. La lumière du soir mettait la couleur de la chair sur les pierres de la voûte... En vérité, cher Phèdre, je n'eus jamais de prison que mon corps. Mais reviens à ce que te disait ton ami. Je crois qu'il allait te parler des édifices les plus précieux, et c'est ce que je voudrais entendre.

Phèdre. — Eh bien, je poursuivrai.

— Eupalinos me fit encore un magnifique tableau de ces constructions gigantesques que l'on admire dans les ports. Elles s'avancent dans la mer. Leurs bras, d'une blancheur absolue et dure, circonscrivent des bassins assoupis dont ils défendent le calme. Ils les gardent en sûreté, paisible- ment gorgés de galères, à l'abri des enrochements hérissés et des jetées retentissantes. De hautes tours, où veille quel- qu'un, où la flamme des pommes de pin, pendant les - nuits impénétrables, danse et fait rage, commandent le

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